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LES EXCENTRIQUES.

— Non pas. Scarron n’était qu’un bouffon et un parodiste :


« Ce pauvret
« Très maigret,
« Au col tors
« Dont le corps
« Tout tortu
« Tout bossu,
« Suranné,
« Décharné,
« Fut réduit
« Jour et nuit
« À souffrir
« Sans guérir
« Des tourmens
« Véhémens ; »


(et cette citation vous prouvera que je l’ai lu avec fruit) ; Scarron, qui passa pour le plaisant par excellence, pour le gracioso de son époque, n’était pas ce que nous appelons un humoriste. Il suait sang et eau pour amuser autrui. Il est profondément triste. C’eût été un écrivain mélancolique et bizarre, s’il eût écouté son penchant. Sa gaîté me fait mal ; je crois entendre les cris que lui arrachent la goutte et le rhumatisme. Contentez-vous de ce que vous possédez, d’une belle et grande littérature, bien disciplinée, noble, féconde, fière, sage, admirable de raison et de pureté. Nous avons autre chose, et peut-être n’est-ce pas mieux. Dans l’Old England, le respect national pour l’individualité a fait naître parmi le peuple une foule d’originaux comiques ; parmi les écrivains, les humoristes dont je vous ai parlé ; parmi les gens riches, une multitude de lubies extravagantes, philanthropiques, inouies, baroques, vertueuses, vicieuses, inutiles, d’ailleurs amusantes à observer. C’est le résultat naturel du soin avec lequel nous avons établi parmi nous l’inviolable puissance du moi individuel, le culte de ce moi, qui peut se révéler librement par toutes les bizarreries, sans qu’on le harcèle ou le chagrine.

Dans toutes les classes, même liberté.
Je suis un Excentrique.
Jemmy Cower est un Excentrique.