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LETTRE SUR L’ÉGYPTE.

villages ont été démolis, mais on n’a pu les détruire entièrement. Ammien-Marcellin dit que de son temps il n’y avait point de supplice qui pût corriger les Égyptiens de leur malheureux penchant pour le vol. Dans ce pays, le vol est comme la corruption des mœurs ; les temps n’y ont rien changé ; l’Égypte a perdu sa gloire, mais elle a conservé ses voleurs et ses filles de joie. Il faut vous dire d’ailleurs qu’il n’y a nulle part sur notre globe d’hommes plus exercés à la rapine et plus adroits dans leurs expéditions nocturnes que les Arabes. Ce qu’on nous raconte de nos filous d’Europe n’approche pas de la ruse et de la dextérité d’un fellah qui veut s’emparer du bien d’autrui ; il n’y a point de danger qu’il ne brave, point de difficulté qu’il ne surmonte ; les voleurs arabes se tiendront cachés, s’il le faut, pendant toute une journée dans un égoût ou dans une meule de fourrage ; ils ramperont comme des reptiles sous des voûtes obscures, ils se glisseront comme des lézards à travers la fente d’un mur. Si l’occasion les favorise, une seule minute leur suffit pour achever leur expédition ; une maison, un navire, sont dévalisés en un clin d’œil, et lorsqu’ils se retirent, on peut être sûr qu’il ne reste pas un parah, pas un habit, pas une natte dans les lieux qu’ils ont visités. Leur grande précaution, pour qu’on ne les reconnaisse pas et pour échapper plus facilement à toutes les poursuites, c’est d’être dans un état de complète nudité. Il est rare qu’on les prenne sur le fait, et même qu’on les arrête après le vol, car il ne leur faut qu’un moment pour mettre le désert entre eux et la justice.


Les premiers jours qu’on voyage sur le Nil, on est enchanté du spectacle ; mais la physionomie du pays est toujours la même : ce sont toujours des villages bâtis de terre avec leurs palmiers et leurs minarets, des canaux avec leurs digues, de vastes campagnes couvertes de moissons, une multitude de fellahs toujours misérables. Le cours du Nil nous offre aussi un aspect qui ne varie point ; souvent, après avoir fait quelques lieues, nous croyons encore nous trouver au même endroit. On ne change pas plus d’horizon que lorsqu’on navigue en pleine mer, et qu’on n’aperçoit que le ciel et les flots. Dans deux mois, le Nil commencera à croître, puis il sortira de son