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ALGER.

raient assiégées par terre et par mer. Dans un système différent, que nous examinerons bientôt, nous aurions les indigènes pour auxiliaires contre les ennemis du dehors.

Le bénéfice des entreprises agricoles les mieux conduites est trop limité pour de pareilles chances, et l’esprit aventureux dont il faut être doué pour les courir est exclusif des habitudes d’ordre, d’économie, de prévoyance, qui, dans la carrière de la culture, sont la condition du succès.

Un illustre maréchal, pour la personne duquel je suis plein de respect et d’affection, dont les opinions exercent d’ordinaire une grande influence sur les miennes, ne s’est point arrêté devant ces considérations et s’est montré favorable à l’établissement d’une ligne de postes militaires qui partant, à l’est d’Alger, de l’Aratch, passant à Belida et regagnant la mer en arrière du Mazafran et de Coléah, embrasserait dans son contour une étendue d’environ cent quartorze lieues carrées. On a déjà objecté contre ce projet que chaque hectolitre de grain qui croîtrait de la sorte à l’abri des baïonnettes, coûterait à la métropole dix fois ce qu’il rapporterait à son propriétaire ; on aurait pu demander encore où sont les cinquante-quatre mille ames et les cinquante-quatre millions de capitaux disposés à courir, pour mettre en culture ces cent quatre-vingt mille hectares, des chances dont nous n’avons indiqué qu’une partie. Hors de circonstances exceptionnelles très différentes de celles où se trouve la régence, rien ne se développe si lentement que les colonies agricoles. Les preuves n’en sont pas bien loin d’Alger. Au moment où l’on faisait le plus de bruit de la colonisation, au mois de juillet 1833, la culture des villages de Kouba et de Dely-Ibrahim, où l’on comptait trois cent vingt colons, s’étendait sur quarante-neuf hectares. Le plateau de Boudjaréah, qui comprend les quinze lieues carrées les plus salubres et les plus voisines d’Alger, jouit d’une tranquillité parfaite ; ce n’est point à l’expulsion des tribus d’Arabes que nous en devons la paisible possession, mais à l’émigration des Turcs et des habitans de la ville qui en étaient propriétaires : là les acquisitions peuvent se faire en sûreté ; il n’y a ni marais pestilentiels à dessécher, ni tribus armées à combattre ; quelques postes, en relations journalières avec Alger, des routes déjà tracées, assurent la sécurité et la commodité des rela-