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verts, auquel M. Corot ne montre pas moins de fidélité, je ne sais vraiment exprimer aucune préférence. Mais de ce que je condamne à la fois M. Paul Huet et M. Corot sous un rapport accessoire, faut-il pour cela que je les sacrifie à M. Watelet ou à ses continuateurs ? Je l’ai déjà dit, j’aime mieux les fabricans de plans en relief.

Laissons donc de côté les imperfections extérieures de la peinture de M. Paul Huet, et remontons, s’il se peut, jusqu’au principe de cette peinture. Ou M. Huet n’a pas assez vu, ou son organisation ne se prête pas assez à refléter des impressions d’un ordre varié ; dans tous les cas, c’est un paysagiste incomplet. Il ne sait faire résonner qu’une seule corde, la corde triste et pauvre de nos climats et de nos plaines : pour lui, la magnificence de la nature est dans les arbres d’un parc ; les souffrances de la nature, dans la pluie qui bat une chaumine. Le ciel limpide, la mer bleue, les rochers incandescens, toutes les richesses et les graces de la nature méridionale sont pour lui comme si elles n’existaient pas. Un nuage plat s’abattant sur une déclivité molle et indécise, une ombre froide sous des arbres moussus, des mares vertes et dormantes, voilà ce que M. Paul Huet comprend, ce qu’il rend avec un sentiment monotone, mais vrai, poétique. Sous ce point de vue, sa Soirée d’automne renferme des parties vraiment admirables, et qui doivent lui gagner les suffrages de ceux même auxquels une direction toute différente d’idées rend très difficile l’intelligence de ce genre de peinture.

En me voyant circonscrire ainsi le talent de M. P. Huet, il ne faut pas croire que j’oublie les tentatives que ce peintre a souvent faites pour dépasser les bornes de sa spécialité. C’est l’issue même de ces tentatives qui le ramène à ses sujets favoris : une domination plus étendue dans le royaume du paysage lui plairait sans doute ; mais un vol si haut le fatigue, et il se rabat bientôt dans ses broussailles. M. Corot revient aussi cette année d’un monde pour lequel il n’est pas fait, et il se rencontre avec M. Huet à la croisée du chemin ; M. Corot a quitté, de guerre lasse, les chemins creux et les clairières de nos bois ; il a revu l’Italie : il a retrouvé ces vastes horizons dont il rend si bien la limpide reculée, et son talent, tant soit peu fourvoyé, lui est fidèlement revenu. M. Corot aussi, sous