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REVUE DES DEUX MONDES.

Par-delà j’aperçois l’invisible univers,
Univers seul réel, qu’à notre faible vue,
D’une sublime nuit, voile son étendue,
Où nous vivons dans l’ombre entourés de clarté,
Aveugles tâtonnant dans son immensité.
Adieu les chœurs légers des planètes brillantes,
Et le dôme d’azur, et ses lampes roulantes !
Adieu ce beau soleil, de la terre amoureux,
Esclave de ses fils et se levant pour eux,
Qui n’avait d’autre soin, dans toute la nature,
Que de lui faire au ciel reluire une ceinture !
Adieu la terre enfin, paresseuse beauté,
Se berçant sur son lit dans l’espace arrêté,
Cependant qu’adorait son trône solitaire
L’univers prosterné, complaisant tributaire,
Fait pour être un spectacle à ses vagues ennuis,
Pour égayer ses jours, pour embellir ses nuits !
Plus de ciel… il n’est pas ! son azur est mensonge ;
Plus rien qu’un vide immense où le regard qui plonge
Voit dans l’espace noir des flots d’astres nombreux,
Trop loin pour que jamais nous soyons rien pour eux
En un coin de ce vide,… et là bas,… notre monde ;
Le soleil, masse immense et que la flamme inonde ;
Monotone, et roulant sur son rapide essieu
Le disque sans rayons de sa meule de feu ;
Onze globes divers de vitesse et de masse
D’un inégal essor emportés dans l’espace,
Se renvoyant entre eux ses traits étincelans,
Et comme pêle-mêle autour de lui roulans
Avec ce qui les suit, lune, anneau, satellite,
Qu’un même mouvement entraîne et précipite ;
Et nous-mêmes enfin, penser qui fait frémir !
Sur ce globe paisible et qui semble dormir,
Plus rapides cent fois que le boulet qui vole,
Ou que le son ailé qui porte la parole,
Nous traversons aussi le vide spacieux ;
Nous roulons, nous tombons, nous fuyons dans les cieux.