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et de haine, gémissent sous le poids d’énormes impôts, sous le coup de perpétuelles vexations.

Une constitution forte, de la régularité dans les traits, un courage peu commun, distinguent les Ansariens ; leurs femmes sont en général grandes et belles. C’est une race d’un sang pur et généreux comme la race maronite du Liban. Si la peuplade ansarienne vivait en paix avec elle-même, si elle pouvait se former en corps de nation bien compacte, bien unie, elle serait invincible dans ses montagnes, et secouerait facilement le joug des Turcs. Telle qu’elle est, la peuplade montagnarde est singulièrement redoutable en des temps de révolution ; aussi l’invasion égyptienne d’Ibrahim Pacha a-t-elle trouvé dans les Ansariens de rudes ennemis.

Les doctrines des Ansariens sont un mélange informe de toutes les doctrines d’Orient ; chacune des pages qui composent leur évangile est empruntée à des évangiles divers, et toutes ces pages sont souillées ou défigurées. Parmi les peuples orientaux, il en est qui ne sont plus aujourd’hui que des ruines, et la croyance à leur résurrection politique ne serait qu’un rêve. Il en est d’autres qui n’ont point encore vécu de la vie des nations, et qui se sont arrêtés dans la grossière ignorance d’une enfance de plusieurs siècles : de ce nombre sont les Ansariens ; qui nous dira leur future destinée ? Leur existence ne sera-t-elle jamais meilleure ? L’avenir ne leur réserve-t-il aucune lumière ? Y a-t-il des peuples condamnés à ne point connaître la vérité, semblables à ces nations hyperboréennes, dont nous parlent les poètes, qui ne verront jamais le soleil ?


Poujoulat.