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qui rendra aujourd’hui le même service moral ? « Heureux, s’écrie Mme de Staël, si nous trouvions, comme à l’époque de l’invasion des peuples du nord, un système philosophique, un enthousiasme vertueux, une législation forte et juste, qui fût, comme la religion chrétienne l’a été, l’opinion dans laquelle les vainqueurs et les vaincus pourraient se réunir ! » Plus tard, en avançant en âge, en croyant moins, nous le verrons, aux inventions nouvelles et à la toute-puissance humaine, Mme de Staël n’eût pas placé hors de l’ancien et de l’unique christianisme le moyen de régénération morale qu’elle appelait de ses vœux. Mais la manière dont le christianisme se remettra à avoir prise sur la société de l’avenir, demeure voilée encore ; et pour les esprits méditatifs les plus religieux, l’inquiétude du grand problème n’a pas diminué.

Dès que le livre de la Littérature parut, la Décade philosophique donna trois articles ou extraits sans signature et sans initiale ; c’est une analyse très exacte et très détaillée, avec des remarques critiques et quelques discussions où l’éloge et la justesse se mesurent fort bien. On y fait observer qu’Ossian n’est qu’un type incomplet de la poésie du nord, et que l’honneur de la représenter appartient de droit à Shakspeare. On y lit, à propos des poèmes d’Homère, cette phrase qui annonce un littérateur au courant des divers systèmes : « Mme de Staël admet sans aucun doute et sans discussion que ces poèmes sont l’ouvrage du même homme et sont antérieurs à tout autre poème grec. Ces faits ont été souvent contestés, et l’une des considérations qui prouvent qu’ils peuvent l’être encore, c’est l’impossibilité où l’on est de les concilier avec plusieurs des faits les mieux contestés de l’histoire des connaissances humaines. » Le critique reproche au livre trop peu de plan et de méthode : « Un autre genre de fautes, ajoute-t-il, c’est trop de subtilité dans certaines combinaisons d’idées. On y trouve quelquefois, à des faits généraux bien saillans et bien constatés, des causes trop ingénieusement cherchées pour être absolument vraies, trop particulières pour correspondre aux résultats connus. » Mais il y loue hautement la force, l’originalité. « Et ces deux qualités y plaisent d’autant plus qu’on sent qu’elles sont le produit d’une sensibilité délicate et profonde qui aime à chercher dans les