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ANDRÉ.

nale, et reçut dans son sein les premiers épanchemens de cet amour qu’il lui avait appris.

Cependant Henriette avait été colporter en tous lieux la nouvelle du prochain mariage d’André avec Geneviève. Le premier à qui elle en fit part fut Joseph Marteau, et, au grand étonnement de la couturière, celui-ci fit une exclamation de surprise où n’entrait pas le moindre signe de joie ou d’approbation.

— Comment ! cela ne vous fait pas plaisir ? dit Henriette ; vous ne me remerciez pas d’avoir réussi à marier votre ami avec la plus jolie et la plus aimable fille du pays ?

Joseph secoua la tête. — Cela me paraît, dit-il, la chose la plus folle que vous ayez pu inventer. Quelle diable d’idée avez-vous eue là ?

— Fi ! monsieur, je ne comprends pas l’indifférence que vous y mettez.

— Cela ne m’est pas indifférent, répondit Joseph. J’en suis fort contrarié, au contraire.

— Êtes-vous fou aujourd’hui ? s’écria Henriette. Ne vous ai-je pas entendu, hier encore, dire que vous n’estimiez réellement Geneviève que depuis qu’elle aimait M. André ? N’avez-vous pas travaillé vous-même à rendre M. André amoureux d’elle ? Qui est cause de leur première entrevue ? Est-ce vous ou moi ? Ne m’avez-vous pas priée d’amener Geneviève chez vous, pour que M. André pût la voir ?…

— Mais non pas l’épouser ! reprit Joseph avec une franchise un peu brusque.

— Oh ! quelle horreur ! s’écria Henriette ; je vous comprends maintenant, monsieur ; vous êtes un scélérat, et je ne vous reparlerai de ma vie. Juste Dieu ! séduire une fille et l’abandonner, cela vous paraîtrait naturel et juste ; mais l’épouser quand on l’a perdue de réputation, vous appelez cela une diable d’idée, une invention folle !… Ah ! je vois le danger où je m’exposais en souffrant vos galanteries ; mais, Dieu merci, il est encore temps de m’en préserver. Pauvres filles que nous sommes ! c’est ainsi qu’on abuse de notre candeur et de notre crédulité ! Vous n’abuserez pas ainsi de moi, monsieur Joseph ; adieu, adieu, pour toujours !

Et Henriette s’enfuit furieuse et désespérée. Joseph se promit de l’apaiser une autre fois, et il chercha André. Mais, pendant bien