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Après qu’elle eut été faite, Luther s’en reconnut l’auteur. Interrogé s’il était disposé à en rétracter le contenu, il répondit : — « Comme cette question concerne la foi, le salut des ames et tout ce qu’il y a de plus grand sur la terre et dans le ciel, la parole de Dieu, il serait téméraire à moi de donner une réponse irréfléchie. En le faisant, sans y être préparé, je pourrais ne pas dire assez pour l’utilité de ma cause et encore trop pour l’honneur de la vérité ; et je craindrais d’encourir cet anathème du Christ : — Celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai devant mon père, qui est au ciel. Je demande donc humblement que votre majesté impériale me donne le temps d’y penser, afin que je puisse répondre sans m’écarter de la parole de Dieu. »

L’empereur lui accorda vingt-quatre heures. Il dit en sortant : Cet homme ne me rendra pas hérétique. La simplicité de Luther, à qui ses amis avaient recommandé de modérer sa fougue, ne frappa point l’imagination de ce jeune empereur, qui s’attendait à trouver plus d’éclat et plus d’éloquence dans un si hardi et si célèbre novateur. Le délai que Luther demanda fut même regardé par quelques personnes comme un commencement de faiblesse, et leur donna l’espérance d’un désaveu.

Le lendemain, vers le soir, Luther fut conduit devant l’assemblée. La salle était éclairée aux flambeaux. L’official de Trèves lui ayant demandé ce qu’il avait résolu, il répondit en ces termes :

« Très illustre empereur, sérénissimes électeurs, gracieux princes et seigneurs, je me rends aux ordres qui m’ont été donnés hier au soir, et je prie votre majesté et vos seigneuries, par la miséricorde de Dieu, d’écouter avec bienveillance une cause juste et vraie, et de vouloir bien me pardonner si je n’ai pas donné à chacun les titres qui lui sont dus. Je ne suis qu’un pauvre moine, élevé dans la solitude d’un cloître, et connaissant peu les usages des cours. Dans tout ce que j’ai enseigné et écrit jusqu’à présent, je n’ai eu en vue que la gloire de Dieu, et le salut des chrétiens que j’ai voulu ramener dans la voie de la vérité. Je peux m’en rendre témoignage. »

Après ce préambule, il dit que ses écrits étaient de plusieurs espèces ; que les premiers étaient relatifs à la foi et à la morale, et qu’il ne pouvait pas les désavouer sans condamner l’ap-