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VOYAGE EN ORIENT.

lieux, il accuse de mensonge les récits populaires qui se distribuent et se vendent au pied du saint tombeau. Si le temps et l’érudition ne lui manquaient pas, il ramènerait aux proportions de l’histoire humaine la promulgation de la loi nouvelle, il ne verrait plus dans Jésus-Christ que l’héritier de Socrate ; il commenterait le Phédon par l’Évangile, et absoudrait le proconsul romain qui n’a pas hésité devant le supplice d’un nouveau sage pour assurer la sécurité de la métropole. Et qu’on ne dise pas que j’intente gratuitement un procès invraisemblable à la foi de l’illustre voyageur. Qu’on ne dise pas que je déchire à plaisir les pages où sont inscrites les croyances de toute sa vie. La pente de l’incrédulité est glissante et rapide. La discussion, une fois commencée, ne s’arrête plus. Il fallait choisir entre la méditation chrétienne et la restitution archéologique. Vouloir concilier saint Mathieu et Volney, c’est une prétention trop haute, et qui ne peut se réaliser. Dans l’intérêt de son livre aussi bien que de sa pensée, M. de Lamartine devait se prononcer décidément pour la vérification défiante ou pour la foi sans restriction. Dès qu’il doute, il n’a plus le droit de chanter. Le savant impose silence au poète ; l’Évangile n’est plus qu’un beau livre, un roman ingénieux, d’un style pur et châtié ; mais le verset de l’apôtre n’a plus rien d’impérieux. La Passion n’est plus qu’une tragédie, dont les épisodes habilement enchaînés n’ont rien à envier ni au Prométhée d’Eschyle, ni à l’Œdipe de Sophocle.

En se dépouillant de sa crédulité, M. de Lamartine se condamne fatalement au rôle de spectateur. Il s’interdit l’enthousiasme poétique. Ou s’il veut revenir aux inspirations de sa jeunesse, s’il veut recommencer les chants de ses premières années, le cantique s’arrête sur ses lèvres, la prière bégaie sourdement, l’espérance ose à peine s’avouer, le poète a disparu avec le chrétien.

Si la forme seule manquait aux inspirations du voyageur, si la pensée s’offrait à nous demi-vêtue, si elle ne craignait pas de se révéler dans une pudique nudité, si elle se fiait à sa beauté native pour commander à nos yeux l’admiration et la ferveur, ce ne serait plus entre elle et nous qu’une querelle de coquetterie et de dédain. Nous pourrions trouver dans la contemplation de cette grace négligée une joie inattendue et sérieuse. L’ame se reposerait avec bonheur dans ce spectacle familier. Mais rien, chez M. de