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voix et d’autres écrivains qui eux-mêmes avaient copié les missionnaires jésuites du Paraguay, les Paulistas étaient représentés comme ayant été dans l’origine un ramas de déserteurs de toutes les nations, de criminels fuyant le châtiment dû à leurs forfaits, de brigands en un mot. Il a fallu que, vers la fin du siècle dernier, un moine brésilien, Fray Gaspar de Madre de Deos, zélé pour l’honneur de son pays, vînt laver ses compatriotes des accusations portées contre leurs pères[1] : cependant Fray Gaspar n’a réussi complètement qu’à réhabiliter les premiers fondateurs de Saint-Paul, qui, en effet, n’a pas eu l’origine impure qu’on lui attribuait.

En 1555, deux missionnaires d’une vie admirable, les pères Nobrega et Anchieta, partirent de Santos pour reconnaître l’intérieur du pays. Après avoir franchi une âpre chaîne de montagnes dont les chemins encore aujourd’hui sont à peine praticables, ils virent s’étendre devant eux une vaste plaine entrecoupée de collines et d’ondulations de terrains, de, savanes et de forêts. À l’ouest, les flancs escarpés et noirâtres de la Serra de Mantiqueira servaient de cadre au tableau. Rendant graces à Dieu de ce qu’ils voyaient, les deux missionnaires résolurent d’établir là le centre de leurs travaux, et en hommes d’action qu’ils étaient, se mirent aussitôt à l’œuvre. Au sommet d’une éminence en pente douce, située au milieu de la plaine, et au pied de laquelle coulait le Piratininga, ils élevèrent de leurs propres mains, et à l’aide d’un petit nombre d’Indiens convertis, quelques huttes en branchages et en terre. Treize autres missionnaires, envoyés de Bahia, vinrent bientôt se joindre à eux, et la nouvelle-ville prit le nom de Piratininga, de la rivière qui serpentait à ses côtés, nom qu’elle échangea plus tard contre celui de Saint-Paul, qu’elle porte aujourd’hui. Vasconcellos, qui a écrit la vie d’Anchieta, nous a laissé un tableau intéressant du genre de vie de ces premiers missionnaires. Une étoffe grossière de coton composait tout leur vêtement ; leurs sandales étaient faites des fibres rudes d’une espèce de chardon sauvage ; une natte de paille, suspendue à la toiture de leurs huttes, en défendait seule l’entrée ; des feuilles de bananier, étalées à terre, servaient à la fois de table

  1. Memorias para a historia da capitània de San Vincente, etc. 1 vol. in-4o, Lisboa, 1797.