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ANGELO MALIPIERI.

veau drame. Jamais, je crois, l’indécision des caractères n’a conduit plus directement à l’indécision de la fable. L’analyse d’Angelo est une des épreuves les plus désespérantes qui se puissent offrir à la réflexion.

Après une scène d’explication entre Angelo et Tisbe, ingénieuse, délicate, élégante et animée, survient un homme mystérieux, un agent secret du Conseil des Dix, Omodei, qui surprend la tristesse de la courtisane en flagrant délit. Elle est seule, il l’accoste librement, comme s’il la connaissait dès long-temps. Il lui propose et lui promet de lui prouver l’infidélité de Rodolfo. Tisbe avoue son amour et sa jalousie sans craindre la colère d’Angelo. Il faut obtenir du podesta une clé qui ouvre toutes les portes. Omodei disparaît, et Tisbe se fait donner la clé toute puissante. Cette dernière scène est, comme la première, bien posée et bien menée. Il y a dans ce premier acte une finesse d’élocution qui n’est pas habituelle chez M. Hugo. Mais l’espérance de l’auditoire a été promptement déçue. Les trois actes qui suivent sont pitoyables. Le courage manque pour les raconter, le blâme hésite devant le néant sonore et hautain qui voudrait simuler le drame, et qui ne réussit qu’à étourdir.

Tisbe entre chez Catarina. À l’anxiété peinte sur la figure de la jeune femme, elle devine la présence de Rodolfo, quoiqu’elle ne l’aperçoive pas ; mais elle a juré à sa mère mourante de se dévouer à la personne qui posséderait un crucifix d’ivoire, transmis de génération en génération comme une sainte relique, arrosé des larmes de son enfance, et que sa mère a donné comme un gage de gratitude. Or, ce crucifix est devant elle. Sa jalousie se tait devant le serment inviolable. Entre Angelo ; et Tisbe, au lieu de perdre Catarina, dénonce à son amant une conjuration imaginaire.

Cependant le manteau de Rodolfo accuse Catarina. Tisbe emmène Angelo pour laisser à sa rivale le temps de sauver son amant ; mais Angelo est implacable : il veut la mort de sa femme et demande à sa maîtresse un poison sûr et rapide. Tisbe pousse la générosité jusqu’au bout. Elle décide Catarina à boire le poison et substitue à la liqueur mortelle un narcotique irrésistible. Catarina s’endort ; la fosse est creusée pour la recevoir, le linceul préparé