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REVUE. — CHRONIQUE.

À propos de M. Sébastiani, nous devons faire observer à M. Thiers, qui vantait l’autre jour les exploits de ce grand général en le faisant figurer près de Bonaparte au pont d’Arcole, que M. Sébastiani était alors occupé à se faire battre ailleurs. Si M. Thiers veut ouvrir sa propre Histoire de la Révolution, il y trouvera les noms des officiers qui figuraient à Arcole. C’étaient Masséna, Augereau, Lannes, Verne, Bon, Verdier, Muiron, Belliard ; mais M. Sébastiani ne s’y trouvait pas. Il faut retrancher des belles pages de la vie militaire de M. Sébastiani sa part de ce haut fait, que M. Thiers lui accordait si libéralement l’autre jour ; mais ce que personne ne contestera à M. Sébastiani, c’est sa glorieuse journée d’Almanacid.

Enfin, la dernière difficulté disparaît comme les autres. L’acceptation du maréchal Maison paraît certaine. Seulement, elle n’est que temporaire, Il paraît que le maréchal tient à retourner à Saint-Pétersbourg au mois de décembre prochain. Le maréchal Maison n’aime pas les longs ministères ; il a été quinze jours ministre des affaires étrangères ; il consent à garder le ministère de la guerre pendant huit mois. C’est déjà du progrès. Au reste, rien n’est désespéré avec le maréchal Maison, et il n’est pas très difficile de faire changer ses résolutions. On peut le penser du moins ; car, à Saint-Pétersbourg, le maréchal disait partout hautement, et souvent sans nécessité, qu’il n’accepterait pas le ministère, et que toutes les offres des ministres, qui sont maintenant ses collègues, seraient bien inutiles. Le voilà ministre cependant. Qui sait si son goût pour Saint-Pétersbourg lui durera long-temps ?

Une petite circonstance, assez insignifiante en elle-même, avait un peu diminué tout récemment, à Saint-Pétersbourg, le crédit de notre ambassadeur. On sait que les rangs sont parfaitement tranchés en Russie, et qu’il ne s’y trouve pas de classe intermédiaire entre la noblesse, la cour et la plus humble bourgeoisie. Dans cette dernière classe, nous écrit-on de Saint-Pétersbourg, l’ambassadeur avait distingué une personne qui excitait son intérêt, et il la voyait avec quelque assiduité. Son intérêt pour elle alla même si loin, qu’il ne refusa pas de présider un petit bal qu’elle donna pendant cet hiver, et dont le maréchal, entouré de petits marchands et d’ouvrières endimanchées, fit les honneurs avec une bonhomie populaire, digne d’un représentant de la révolution de juillet. Ce goût de l’égalité fut peu admiré à la cour de Russie, et le maréchal eut à essuyer quelques froideurs, qui diminueront peut-être le regret que lui cause son départ.

Ce n’est pas assez que le concours, peu attendu, du maréchal Maison vienne en aide à ce bienheureux ministère ; il faut encore que le maréchal Soult, ce candidat redouté, ait pris à tâche de se détruire lui-même. Le maréchal, dans son dernier voyage à Paris, était poursuivi de deux idées