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ne fut guère plus corrompue que la chambre actuelle ; mais elle eut aussi ses craintes et son ignorance des faits ; elle voulut rétablir la religion, le vieil ordre social, comme la chambre de 1835 veut rétablir le culte dynastique et un ordre matériel que personne ne veut plus troubler. Il y a une parfaite similitude entre la majorité de 1825 et celle de 1835. Il ne faut pas croire que M. de Villèle fût le maître de ces 300 voix. Il en disposait pour ses lois de finances, pour ses indemnités ; mais qu’il eût présenté un projet contre les principes de cette majorité, vous l’eussiez vue se prononcer vivement contre le président du conseil. Ce que les 300 faisaient par amour du clocher et du château, la majorité Fulchiron le ferait en haine du mouvement et de la république.

À compter du jour où l’adresse fut interprétée dans le sens du cabinet, on peut dire que la chambre se dessina ministérielle. S’il y eut quelquefois hésitation dans ses membres, c’est que le cabinet lui-même n’était pas parfaitement d’accord ; l’anarchie qui était dans le ministère se faisait également sentir dans la chambre ; l’unité du cabinet était nécessaire pour amener l’unité de la majorité parlementaire.

Un des caractères saillans de cette chambre, c’est une sorte de honte de s’avouer ce qu’elle est réellement, c’est-à-dire ministérielle ; elle a toujours conservé certains faux-semblans d’indépendance. Dans les questions décisives, véritablement parlementaires, jamais son vote ne faillit au ministère, tandis que, dans les questions de détail, elle se montrait raisonneuse, récalcitrante, toujours disposée à inquiéter partiellement le pouvoir, qu’elle servait de toutes ses forces dans l’ensemble de son système.

Cette allure indécise tenait à l’influence expirante du tiers-parti ; comme il n’espérait plus triompher dans les grandes questions politiques, il s’essayait dans les incidens ; il avait perdu sa cause dans l’interprétation de l’adresse, il choisit un autre terrain pour engager son débat avec le pouvoir qui lui échappait. Cette tactique lui réussit quelquefois ; il y eut des scrupules dans certaines consciences, et de là quelques-uns de ces votes qui, sans ébranler le ministère, lui faisaient douter de sa majorité.

D’ailleurs le cabinet du duc de Trévise lui-même n’était point définitif et en complète harmonie ; sous main, chacun de ses membres arrangeait ses petites affaires, préparait sa combinaison. Le tiers-parti, toujours sous le patronage du maréchal Gérard, cherchait à pousser M. Thiers dans une combinaison qui exclurait M. Guizot ; M. Guizot, qui sentait l’importance de réduire M. Thiers à un rôle secondaire, appuyait la présidence de M. de Broglie. La démission du maréchal Mortier amena une nouvelle