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REVUE. — CHRONIQUE.

Nul doute que M. Pasquier n’ait dit quelques bonnes paroles dans la salle des délibérations ; mais nous l’avons vu à l’œuvre dans la salle d’audience, et on nous permettra de le juger par ses actions. Nous n’avons pas lu ses mémoires en faveur de l’amnistie, mais nous savons que, de son chef, il a privé de défenseurs ces accusés qu’il eût voulu voir amnistiés, dit-on. On ajoute qu’il ne s’est pas montré l’un des moins ardens à soutenir la proposition du duc de Montebello, à créer par conséquent un second procès-monstre, lui que le premier effrayait tant ! Tout ceci s’accorde bien peu avec l’esprit des quatre mystérieux mémoires de M. Pasquier en faveur de l’amnistie.

Où s’arrêteront toutes ces violences ? Après avoir cité à la barre les accusés et les défenseurs des accusés, il faudra bien en venir à la garde nationale, qui prétend, dans ses protestations, que tout le procès n’est qu’une illégalité, aux pairs qui tiennent le même langage dans leurs lettres à la chambre, sans compter les journalistes, qui s’expriment assez net et assez haut. Ne craint-on pas que le procès-monstre ne finisse par produire une protestation-monstre des pairs, des avocats, des gardes-nationaux et de tous les partisans de l’amnistie ? Déjà le maréchal Gérard, aidé de M. Étienne, prépare une brochure où il prouve, pièces en main, que les ministres lui ont proposé l’amnistie au moment où ils espéraient le raccoler pour la présidence, dévolue depuis au maréchal Mortier. Voilà déjà le procès qui va passer dans la chambre des députés par la demande de mise en accusation de MM. Cormenin et Audry de Puyraveau. La minorité de la chambre des députés n’aura-t-elle pas sa protestation aussi ? Et alors ne faudra-t-il pas à son tour la mander à la barre de la chambre des pairs ? Cur non ? comme dit M. Dumas, pourquoi pas ? La déraison, l’ivresse et la violence ont-elles des limites ? En présence de tels faits, il ne reste plus aux soutiens du pouvoir qu’à déchirer le droit et à monter à cheval, et c’est ce qu’on veut peut-être. L’empire fait déjà seller ses vieux chevaux de bataille ; et dans sa circulaire aux officiers de l’armée, le maréchal Maison recommandait un dévouement absolu et une obéissance sans bornes. Tout ceci sent fort l’état de siége, qu’on regrette chaque jour, en disant qu’il eût été facile d’employer ces journées d’exception à se débarrasser de beaucoup de gens qui incommodent fort le pouvoir aujourd’hui. Il n’y a pas deux jours qu’on a trouvé sur la table de M. Thiers sa propre histoire de la révolution, ouverte à la page qui contient le récit du coup-d’état du 18 fructidor.

Le ministère a trouvé, dans la chambre des pairs, des élémens très favorables aux combinaisons qui s’exécutent à cette heure, et qu’il a seulement fallu exciter un peu pour les mettre en action. Deux classes de