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Il y aurait encore des volumes à écrire sur Rome, après tout ce qu’on a écrit ; et je ne renonce pas à donner un jour mon impression personnelle, comme tant d’autres l’ont fait. Mais pour aujourd’hui je n’ai pas cette ambition. Je me contenterai de passer rapidement en revue les impressions que Rome a produites sur un certain nombre d’hommes différens de nation, de caractère et de génie, pendant un espace de quatorze siècles.

Ce n’est pas Rome même que je présente au lecteur, ce sont les reflets de Rome dans les imaginations du moyen-âge et dans les imaginations modernes. Parmi ceux que divers motifs ont attirés vers cette ville extraordinaire, il y a des barbares et des saints, des pélerins sans nom et de grands poètes, des philosophes et des artistes ; chacun a vu et compris Rome à sa manière. La comparaison de ces points de vue, si dissemblables, d’où le même objet a été envisagé, peut être piquante et instructive : elle peut aider ceux qui n’ont point vu Rome à s’en faire une idée, comme on se forme l’idée d’un caractère en rapprochant les témoignages qui le concernent, les jugemens qu’il a inspirés. C’est ainsi qu’on a fait l’histoire des historiens d’Alexandre. Et pour ceux qui connaissent Rome et qui l’aiment, n’y a-t-il pas quelque intérêt à parcourir cette galerie de portraits, à les comparer à l’original, à retrouver en eux quelque chose de ce qu’on admire en lui ? J’ai connu un admirateur de Napoléon qui avait une collection de bustes et de gravures représentant l’homme extraordinaire à toutes les époques de sa carrière. Dans le couvent de Vallombreuse, j’ai trouvé un recueil énorme de toutes les images de la Vierge, depuis les gravures, d’après les chefs-d’œuvre des grands maîtres, jusqu’aux représentations populaires du type sacré, tel que l’ont diversifié à l’infini les dévotions individuelles et les légendes locales. L’auteur du recueil était un bon moine vallombrositain, qui, indigné de voir qu’on rassemblait avec soin les images de Vénus, avait voulu, par un hommage rival, venger de cet hommage profane sa madone adorée. Chacun est comme ce moine ; chacun a sa religion ; chacun a son héros, sa déesse, sa sainte, dont il suspend les images à son sanctuaire domestique. Rome a, comme Napoléon, des portraits de ses différens âges. Comme Vénus, sa mère, comme la madone, qu’on pourrait presque nommer sa fille, elle a révélé sous bien des