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découvrir quelque manuscrit précieux ; son cœur battait de désir et d’incertitude ; il se disait : Là peut-être est renfermé l’objet que j’ai tant cherché. Un chevalier n’aurait pas parlé autrement du donjon renfermant la dame de ses pensées ; l’enthousiasme romanesque de ce temps enflammait ce culte nouveau de la beauté antique ; elle sortait de son cercueil jeune, radieuse, immortelle, comme une fée enchantée durant des siècles dans un tombeau, et l’âge de la chevalerie, avant d’expirer, inclinait le genou devant elle et l’adorait.

C’était Rome surtout qui parlait à l’imagination de Pétrarque ; le nom romain était encore imposant et sérieux pour lui. Il rêva et chanta la résurrection de la république par Rienzi ; et Florentin, il choisit le Capitole pour y être couronné.

Comment s’étonnerait-on des plaintes passionnées qu’arrache à Pétrarque le spectacle de Rome livrée aux ravages de ses propres citoyens, qui achèvent de détruire ce qui lui reste de monumens ? « Après que les palais habités autrefois par les plus grands hommes, s’écriait-il, sont tombés par la violence ou par le temps ; après qu’ils ont renversé les arcs triomphaux d’où ils ont précipité peut-être les statues de leurs aïeux, ils n’ont pas eu honte, pour obtenir un misérable profit, de trafiquer des débris de l’antiquité et de leur propre infamie. » Dans une lettre au pape Urbain, il lui adresse un touchant et vif appel, au nom des calamités de Rome qu’il lui dépeint : « Père miséricordieux, pardonne-moi cette audace… De quel cœur peux-tu dormir mollement sur les rives du Rhône, sous les paisibles toits de tes appartemens dorés, tandis que le Latran s’en va en débris, que la mère de toutes les églises manque de toit, et est livrée aux vents et aux tempêtes ; tandis que les sanctuaires des apôtres chancellent, et que ce qui était auparavant leur temple est maintenant un amas informe de pierres et de décombres qui arracheraient des soupirs à un crieur de pierre ? »

Il y a de la déclamation dans ces paroles, et le concetto qui les termine n’est pas heureux ; mais on y sent une passion et une douleur véritable, et on ne peut les accuser d’exagération, car, dans le mémoire officiel adressé en 1376 par la bourgeoisie de Rome à Grégoire xi, on trouve ces paroles : « Les églises cardinales sont abandonnées de ceux qui tiennent d’elles leurs titres et leurs hon-