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reviendrait errer sur ces débris, et chercherait, selon ses propres expressions, Rome dans Rome, sans la pouvoir trouver ; il rencontre quelquefois un langage assez pittoresque et assez hardi, quand, par exemple, il peint la ville géante comme écrasée par Jupiter, sous le poids de ses sept montagnes ;


Sur le ventre il planta l’antique Palatin,
Quirinal sur un pied, et sur l’autre Aventin.


C’est la traduction mythologique d’un fait vrai ; c’est la terre éboulée des collines de Rome, qui a couvert l’ancien sol ; ce sont ces collines qui ont, pour ainsi dire, enseveli l’ancienne ville sous des amas de ruines.

Il y a de la grandeur, et un sentiment assez profond de l’aspect de la campagne romaine, aperçue des hauteurs de Rome, dans ces vers adressés aux pâles esprits des anciens Romains :


Ne sentez-vous augmenter votre peine,
Quand, quelquefois de ces côtes romaines,
Vous contemplez l’ouvrage de vos mains,
N’être plus rien qu’une poudreuse plaine ?


Le retentissement sourd et prolongé du dernier vers, produit le même effet que certains vers lugubres de Dante.

Dubellay connaissait celui qu’il appelle le Triste Florentin, dans un de ces sonnets qu’il a réunis sous le titre de Vision, et où il cherche à imiter son génie allégorique : en effet chacun de ces sonnets a pour objet d’exprimer figurément la grandeur et la chûte de Rome. Mais tout cela, c’est la partie solennelle et un peu convenue des peintures de Dubellay, et cette partie devait s’y rencontrer. Celui qui voulait que les écrivains français se fissent Romains, ou au moins s’emparassent des dépouilles de Rome ; celui qui leur criait à la fin de ses illustrations de la langue française : « Là donc, Français, marchez courageusement vers cette superbe cité romaine, et des serves dépouilles d’elle, comme vous avez fait plus d’une fois, ornez vos temples et vos autels ! » celui-là devait parler de la Rome antique avec pompe et révérence, et nous venons de voir en