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AU-DELÀ DU RHIN.

le cœur à la foi naïve, à l’oubli du monde, aux illusions superstitieuses. En vérité ; à Salzbourg, on perdrait la mémoire du siècle, sans deux avertissemens qui parlent haut, le berceau de Mozart et le tombeau de Paracelse. Penser à Mozart, c’est penser à tout ; le musicien vous rejette dans l’univers, dans la vie, et Don Juan vous arrache aux mystiques langueurs. Dans l’année 1541, un homme vint frapper à la porte de l’hôpital Saint-Étienne ; il était pauvre, souffrant, malheureux ; on lui donna un lit et du pain, mais quelques jours après, il n’avait plus besoin ni de l’un ni de l’autre, il mourut. Il put se reposer enfin de son enthousiasme et de ses travaux, du ravage des passions et de la science, de ses conceptions sur la solidarité des astres qui roulent dans les cieux et des destinées qui s’accomplissent sur la terre, de ses pressentimens sur l’harmonie qui doit régner entre la nature, ouvrage de Dieu, et l’ame, sanctuaire de l’homme. Enfant du xixe siècle, ne méprise pas Paracelse.

À vingt lieues de Salzbourg, Linz offre un autre caractère ; c’est une ville de commerce et de guerre, c’est un entrepôt, c’est une forteresse. Linz a un chemin de fer qui va se perdre en Bohême, une riche manufacture de drap et de tapis, une forte garnison, le Danube pour fleuve, une ceinture de montagnes, une belle jeunesse, des femmes magnifiques, la richesse, comme récompense de son industrie, le plaisir, comme but de son activité. On ne rêve pas dans cette ville aux choses idéales et platoniques : on y prend un avant-goût de la vie de Vienne. J’appellerais volontiers Linz le faubourg de la capitale de l’Autriche, qui a déjà tant de faubourgs. Enfin nous voici au cœur de la monarchie des Césars, nous voici à Vienne.

On éprouve dans Vienne je ne sais quelle langueur. Il circule dans cette ville un souffle de mollesse et de plaisir qui vous gagne, et vous pénètre. Le peuple mange, boit, se promène et dort ; il s’estime heureux. La noblesse demeure dans ses châteaux et dans son orgueil. Une nature resplendissante enveloppe une population dont les mœurs sont bienveillantes et faciles, dont les plaisirs sont la musique, la danse, la promenade et la bonne chère. Aujourd’hui, Vienne est encore la même ville dont Eneas Sylvius traçait au xvie siècle la peinture, dont il disait : « C’est par charretées