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jour si étrangement. Quatre voix en plus ont écarté cette proposition, et l’on s’est arrêté à la combinaison suivante.

La cour absoudra, ou à peu près, tout ce qui consentira à l’accepter comme tribunal compétent ; les autres seront entendus sur pièces, jugés sur pièces et condamnés sur pièces. La cour leur donnera un délai d’un an pour appeler de ce jugement, comme par défaut, et pour se présenter volontairement devant elle. Passé ce terme, la condamnation sera définitive et exécutoire sans appel. Ainsi les condamnés par défaut auront encore une année de détention, après laquelle commencera l’application de la peine judiciaire, et le grand procès dégénérera en procillons que la chambre traînera à loisir. On croit allier ainsi la modération à la sévérité, et l’on s’applaudit beaucoup de ce biais qu’on doit, dit-on, à M. de Bastard. On doute encore, et avec raison, que M. Molé et ses amis acceptent cette combinaison, et l’on s’efforce d’en trouver d’autres. C’est dire assez que les embarras de la chambre des pairs sont loin d’être finis.

L’affaire de la vente des tableaux du maréchal Soult est enfin terminée, c’est-à-dire que le maréchal a repris ses Murillo et son Ribeira, et la liste civile ses 150,000 francs d’à-compte. Il paraît certain que le roi s’était résigné à cette vente, et que de bonne foi il comptait payer au maréchal les 500,000 francs stipulés pour prix de ses tableaux. De son côté, le maréchal tenait tant à établir que cette vente était une vente, et non pas un prêt, qu’il avait fait compter les intérêts qui lui revenaient pour les autres paiemens. C’est M. de Montalivet qui a tout gâté par ses propos, et on peut dire par ses indiscrétions. Les esprits bienveillans, et nous sommes de ce nombre, prêtent à M. de Montalivet une pensée politique dans cette affaire. Il s’agissait de ruiner politiquement le maréchal, qui était venu à Paris proposer au roi un ministère de gauche ; il fallait faire de lui un exemple, et dégoûter tous ceux qui seraient tentés de l’imiter. Peut-être ne l’enferra-t-on pas dans cette affaire qu’il proposa lui-même naturellement au roi, par suite de cette habitude des généraux de l’empire qui pressuraient de temps en temps Napoléon, et lui arrachaient de grosses sommes ; mais l’idée vint plus tard, on trouva l’occasion bonne, et on en profita. Aujourd’hui le maréchal se trouve jeté tout-à-fait hors des affaires. On marchera en Espagne sans lui : c’était cependant une belle occasion pour compléter, au prix d’achat, sa magnifique galerie de tableaux !

On remarque que M. Dupin se rapproche beaucoup du château ; il va publier une apologie du roi, de ses libéralités, et de la protection que donne aux arts la liste civile. On le voit souvent aux Tuileries, et il s’y montre moins frondeur. Les temps sont bien changés pour M. le président de la chambre des députés ; il ne s’agit plus de refuser des portefeuilles, mais de se défendre contre la majorité qui veut lui arracher sa présidence, et de rester au palais Bourbon. Nous espérons qu’il y réussira, car il faut rendre à M. Dupin cette justice, qu’il préside la chambre des députés avec une vigueur peu commune.


F. BULOZ.