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meure de fatigue. La mer est grande, ô mes amis ! et je suis faible. Je ne suis bon qu’à faire un soldat, et je n’ai pas cinq pieds de haut.

N’importe ! à vous le pygmée. Je suis à vous, parce que je vous aime et vous estime. La vérité n’est pas chez les hommes ; le royaume de Dieu n’est pas de ce monde. Mais, autant que l’homme peut dérober à la Divinité le rayon lumineux qui éclaire le monde d’en haut ; vous l’avez dérobé, enfans de Prométhée, amans de la sauvage Vérité et de l’inflexible Justice. Allons ! quelle que soit la nuance de votre bannière, pourvu que vos phalanges soient toujours sur la route de l’avenir républicain ; au nom de Jésus, qui n’a plus sur la terre qu’un véritable apôtre ; au nom de Washington et de Franklin qui n’ont pu faire assez, et qui nous ont laissé une tâche à accomplir ; au nom de Saint-Simon, dont les fils vont d’emblée au sublime et terrible but du partage des biens (Dieu les protége !…) ; pourvu que ce qui est bon se fasse, et que ceux qui croient le prouvent. Je ne suis qu’un pauvre enfant de troupe, emmenez-moi.

26 avril.

Veux-tu bien me dire à qui tu en as, avec tes déclamations contre les artistes ? Crie contre eux tant que tu voudras, mais respecte l’art. Ô Vandale ! j’aime beaucoup ce farouche sectaire qui voudrait mettre une robe de bure et des sabots à Taglioni, et employer les mains de Listz à tourner une meule de pressoir, et qui pourtant se couche par terre en pleurant, quand le moindre bengali gazouille, et qui fait une émeute au théâtre pour empêcher Otello de tuer la Malibran ! Le citoyen austère veut supprimer les artistes comme des superfétations sociales qui concentrent trop de sève ; mais monsieur aime la musique vocale et il fera grace aux chanteurs. Les peintres trouveront bien, j’espère, une de vos bonnes têtes qui comprendra la peinture et qui ne fera pas murer les fenêtres des ateliers. Et quant aux poètes, ils sont vos cousins, et vous ne dédaignez pas les formes de leur langage et le mécanisme de leurs périodes, quand vous voulez faire de l’effet sur les badauds. Vous irez apprendre chez eux la métaphore et