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seulement, et pendant ce temps le roi et M. Thiers travaillaient activement, chacun dans son sens, et l’un contre l’autre. La lutte finie, il reste prouvé que le ministre, près du maître, n’est encore qu’un écolier.

On assure que M. Thiers avait expédié à M. Villiers, ambassadeur d’Angleterre à Madrid, une lettre dictée à M. Mignet, où celui-ci engageait le jeune envoyé, son ami, à presser lord Palmerston dans le sens de l’intervention. Une lettre fort pressante de M. Villiers a été effectivement envoyée au cabinet anglais, et lord Palmerston, qui a une grande confiance en M. Villiers, eût été fort ébranlé par ce message, sans l’arrivée d’une autre lettre tout-à-fait décisive, et dont il a été parlé dans les journaux.

Cette lettre était de l’adversaire de M. Thiers, mais elle avait été transcrite par M. Sébastiani, sous forme de note secrète. Elle était brève, succincte et péremptoire. On y faisait sentir, en peu de mots, tous les inconvéniens de l’intervention, ses dangers, et on y déclarait que le roi des Français ne donnerait jamais de sa pleine volonté les mains à cette mesure. La note de l’ambassadeur français fut déposée sur la table du conseil privé, en même temps que la lettre de M. Villiers, qui réclamait le secours de l’Angleterre en faveur de l’Espagne, et que la dépêche du ministère français, qui offrait de joindre ses forces à celles de l’Angleterre pour venir en aide à la reine Christine. On sait la réponse de l’Angleterre.

Depuis ce jour, M. Thiers ne parle plus d’intervention ; une assistance indirecte lui semble suffisante, et personne n’est plus pacifique que lui à cette heure. S’il faut en croire quelques bruits, la campagne ministérielle serait déjà faite, et l’intervention n’aurait eu lieu qu’à la Bourse, où des bénéfices énormes ont été réalisés, grace à la baisse subite causée par ces vives démonstrations de guerre.

On se bornera donc à laisser le passage des frontières libre aux recrues volontaires qu’on lève déjà de tous côtés, et à céder à la reine Christine la légion étrangère que nous possédons à Alger. Céder est le terme qui est employé dans la dépêche adressée, il y a trois jours, au cabinet espagnol. Le gouvernement de la reine paiera lui-même la solde de ces troupes ; mais il va sans dire que c’est nous qui la fournirons.

Pendant toute cette affaire, terminée par le roi en personne, le roi, comme on l’a dit, a été inébranlable. Quelqu’un qui ne l’a pas quitté depuis plus de vingt ans, disait qu’il ne l’avait jamais vu se prononcer aussi fortement. On a cité ce mot de sa majesté. « Je changerais plutôt