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REVUE DES DEUX MONDES.

Ne vois-tu pas les poissons grouiller dans chaque fleuve et chaque étang ? est-ce que tes forêts ne regorgent pas de gibier ?

Est-ce que les toisons de neige ne se meuvent pas sur tes vastes plaines ? ne nourris-tu pas des cavales et des troupeaux de bœufs partout ?

N’entends-tu pas vanter au loin le bois fort de ta Forêt-Noire ? N’as-tu pas le sel et le fer ? n’as-tu pas aussi un grain d’or ?

Et tes femmes, dis-moi ! ne sont-elles pas ménagères, pieuses et fidèles ? Weinsberg, toujours renaissant, ne fleurit-il pas dans tes plaines ?

Et tes hommes ! ne sont-ils pas laborieux, intègres, simples, habiles dans les arts de la paix, braves quand il faut combattre ?

Pays des blés, pays du vin, race chargée de bénédictions, que te manque-t-il ? — Une seule chose qui est tout : l’antique et le bon droit.

DIALOGUE.

— Quoi ! toujours, toujours le vieux droit ! es-tu donc obstiné ?

— Je suis le fidèle serviteur de l’ancien, parce qu’après tout c’est le bon.

— C’est le meilleur, et non pas seulement le bon, que tu devrais glorifier.

— Je sais à quoi m’en tenir sur le bon, et n’ai du meilleur, hélas ! aucun indice.

— Mais si je te le démontre, observe et fie-toi à moi.

— Je ne jure par l’opinion d’aucun individu, en étant moi-même un.

— Un sage avis t’est inutile ! Où donc allumes-tu ta lumière ?

— Je m’en rapporte au bon sens du peuple.

— Je vois que tu sais peu de choses de l’élan et de la force créatrice.

— Je fais cas d’un esprit calme, qui agit et crée avec mesure.

— L’esprit pur prend son essor, entraînant son temps après lui.

— Ce qui ne jaillit pas du cœur est débile dans sa racine.

— Tu ignores tout-à-fait les grandes douleurs de l’humanité.

— Tu penses bien, toi ; mais tu n’as pas de cœur pour notre pays.