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— Laissez-moi baiser cette lettre, dit Fiamma, non à cause de ce qu’elle croit produire, mais à cause de la sainteté du cœur de celle qui l’a écrite. Ah ! Parquet, c’est bien là votre fille !… Mais ne vous abusez pas, mon ami, je ne peux pas épouser Simon. Il n’y faut pas songer.

— Oh ! cette fois, je n’y renoncerai pas aisément, répliqua Parquet, car c’est la dernière tentative que je ferai. Si je ne réussis pas, vous dis-je, c’est une affaire manquée. Mais je vous avertis, Fiamma, que je ne sortirai pas d’ici sans vous avoir confessée, et que vous me direz votre secret, ou je l’irai demander à votre père, à votre belle-mère, à vos deux petits frères, à l’univers entier.

— Taisez-vous, mon sigisbé, ne parlez pas si haut. Vous n’aurez mon secret qu’avec ma vie, et cependant ma vie est aussi pure devant Dieu et devant les hommes que celle de votre fille chérie. En outre, sachez que mon secret importe peu maintenant à mes projets de solitude. Mon père a levé tous mes scrupules par son mariage et la naissance de ses deux jumeaux, qui, Dieu merci ! se portent bien et seront peut-être suivis de beaucoup d’autres. Maintenant si je ne me marie pas, je vais vous le dire : c’est que jusqu’ici je n’ai pu épouser Simon Féline, et que maintenant je ne peux pas en épouser d’autre.

— Il faut parler catégoriquement. Pourquoi ne pouviez-vous pas épouser Féline ?

— Parce qu’il n’avait rien.

— Singulière réponse dans votre bouche ! et maintenant, pourquoi ne pouvez-vous pas en épouser un autre ?

— Parce que je le préfère à tout autre.

— Bon, ceci est mieux. Eh bien ! pourquoi ne pouvez-vous pas l’épouser maintenant ?

— Parce qu’il est riche.

— Oh ! ma foi, je m’y perds ! Je ne suis pas le sphynx, et cependant je vais me casser la tête contre les murs si vous ne parlez autrement.

— Eh bien ! je vais m’expliquer mieux. Sachez que par une raison qu’il m’est impossible de vous dire, j’ai renoncé volontairement à jamais rien recevoir de mon père tant qu’il vivra, et j’aurais beaucoup hésité, même après sa mort, à accepter son héritage, si au-