Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
LA PRESSE FRANÇAISE.

un déficit effrayant. À défaut du bon sens qui le démontre, les spéculateurs étourdis l’apprendront bientôt par de rudes avertissemens. Ils sentiront que publier des ouvrages sans but, faits au courant de la livraison, et qui ne doivent leur physionomie qu’au reflet capricieux de la mode, c’est engager son argent à la plus dangereuse des loteries. Au lieu de se laisser éblouir par de rares fortunes, ils ouvriront les yeux sur le tableau des sommes englouties en pure perte. Nous ne craignons pas de l’affirmer : les illusions touchent à leur terme, et nous verrons diminuer progressivement le scandaleux agiotage, qui appauvrit, en même temps que les individus, les idées qu’on déflore, le langage qu’on énerve, et le bon sens public, qu’on assourdit impudemment.

Nous avons exposé de bonne foi un ordre de choses qui tend à la ruine des talens formés, comme à l’égarement de ceux qui s’élèvent. Il s’en faut que la matière soit épuisée. Nous l’avons indiquée seulement, afin que chacun y pût appliquer ses réflexions et sa propre expérience. Il faut reconnaître à l’époque présente une force capricieuse et diffuse, des intentions hardies, une vive impatience de connaître : ce sont les jets d’une sève ardente, auxquels ont manqué trop souvent les conditions de la maturité. Assurément, si les œuvres font défaut, les hommes ne manquent pas. Qu’une révolution s’accomplisse dans ce régime littéraire dont nous avons signalé les vices, et on verra paraître encore de ces monumens achevés, qui honorent également l’esprit qui les conçoit, et la société où ils se produisent.


A. C. T.