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LE SALON.

t-on plus de lui, et parle-t-on toujours d’Horace Vernet ? c’est que le général Lejeune n’avait affaire qu’à la mode, et Horace Vernet à la popularité. Ce que je dis là pour un peintre, je le dirais, s’il s’agissait de littérature, pour deux hommes qu’on lui compare, MM. Scribe et Casimir Delavigne, talens avérés et positifs qu’attaquent des feuilletons désœuvrés. Le succès des Messéniennes ressemble beaucoup à celui des premières Batailles d’Horace Vernet. Aussi leur adresse-t-on quelquefois des critiques du même genre. Pour moi, qui sais encore par cœur les strophes qui commencent ainsi :


Eurotas, Eurotas, que font ces lauriers-roses
Sur ton rivage en deuil par la mort habité ?


J’avoue que je ne puis me figurer que ce soit par passion politique que je les ai apprises au collége, lorsque j’étais en quatrième ; mais ce n’est assurément pas par passion politique que je les trouve encore très belles, et que je les ai récitées l’autre jour à souper à des amis qui sont de mon avis.

Mais sans plaider plus long-temps cette cause, et en reconnaissant d’abord à M. Horace Vernet la juste réputation qu’il s’est acquise, faut-il le citer à un autre tribunal, et lui demander un compte sévère de ces ouvrages si applaudis ? Cette question peut être posée ; mais j’y répondrais négativement. M. Vernet n’est pas un jeune homme, et encore moins un apprenti ; ses défauts mêmes sentent la main du maître : il les connaît peut-être aussi bien que nous ; il sait ce que sa facilité doit entraîner de négligences, et ce que la rapidité de son coup de pinceau doit lui faire perdre en profondeur ; mais il sait aussi les avantages de sa manière, et, en tous cas, il veut être lui. Qui peut se tromper à ses tableaux ? il n’y a que faire de signature ; et cette seule preuve annonce un grand talent.

Le monde ne se doute guère que les réputations qu’il a consacrées sont remises en question tous les jours ; que de gens, vivant à Paris, s’occupant des arts, et capables d’en juger, seraient étonnés si on leur lisait tout ce qui s’imprime sur les écrivains ou sur les peintres qu’ils préfèrent !

On voit, d’après ce que je viens de dire, que je ne m’appliquerai point à un examen approfondi des quatre Batailles que j’ai nom-