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vinces méridionales, ce fut une guerre de nationalité qui, après vingt années de troubles et de combats, finit par la consécration de tous les droits de la Belgique. La cause belge, dont les comtes d’Egmont et de Hoorn avaient été martyrs, triompha par l’épuisement de l’Espagne et l’indomptable persévérance de ces populations flamandes et wallones. Les troupes castillanes durent quitter le sol de la Belgique ; ses vieilles constitutions furent rétablies dans leur intégrité, et Philippe II transmit la souveraineté indépendante et héréditaire de ce pays à sa fille l’infante Isabelle et à l’archiduc Albert, son époux.

Pendant ce temps, la maison d’Orange exploitant habilement les griefs religieux des sept provinces du nord, cultivant la réforme comme un principe de résistance contre l’Espagne autant que contre Rome, et agissant dans ses intérêts de famille en même temps que dans un intérêt national, sépara leur cause de la cause toute politique des provinces du midi. La Hollande réformée devint républicaine sous ses stathouders ; la Belgique, sous des princes espagnols, garda le pouvoir royal comme partie intégrante de ses antiques constitutions et coutumes.

Les historiens de cette guerre, tout préoccupés du point de vue religieux, n’ont pas assez fait ressortir le côté purement constitutionnel de ce conflit. La résistance des provinces méridionales, au nom de leurs vieilles lois, les a moins touchés que celle d’un peuple apparaissant dans le monde pour revendiquer les droits de la conscience humaine. Ce long et honorable attachement aux ancêtres a été rejeté dans l’ombre. Cependant la révolte du xvie siècle explique seule la révolution brabançonne de 1788, comme celle-ci donne le mot de la révolution de 1830. On ne saurait contester à ce peuple, auquel on peut légitimement refuser beaucoup de qualités, le mérite d’être identique avec lui-même, et de n’avoir pas renié ses pères.

Les archiducs moururent sans postérité, et les Pays-Bas retournèrent à l’Espagne par droit de dévolution. Dès-lors, la Belgique, primée par la Hollande (qui, long-temps avant d’obtenir sa place par les traités, se l’était faite entre les nations), et soumise à l’action de la cour de Madrid, sentit s’amortir son activité, et son type national disparut sous une rouille qu’elle s’efforce vainement peut-être d’enlever après deux siècles. Le règne des archiducs se place, comme une trêve de bonheur, entre les déchiremens du xvie siècle et les longues guerres de Louis XIV ; et la mémoire d’Isabelle est bénie par la reconnaissance populaire.

Le traité de Westphalie fixa, à quelques égards d’une manière heureuse, la situation du monde. En même temps qu’il réglait l’équilibre de l’Allemagne et appelait la Hollande à prendre un rang éminent dans le monde politique, il consacrait la tolérance religieuse, et proclamait un