Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/575

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
571
LA BELGIQUE.

Ces faits sont corroborés par la situation du port d’Ostende, où le chiffre de 70,000 tonneaux, qui n’avait jamais été atteint durant l’union de la Belgique et de la Hollande, est constamment dépassé depuis trois ans. Ostende a même compensé, et au-delà, par une augmentation de 20,000 tonneaux, les pertes éprouvées par Anvers pendant les deux premières années de la révolution. Que ne laisse pas espérer une telle situation, quand le transit sur l’Allemagne sera en pleine activité, et que le régime d’entrepôt aura été établi par la législature sur des bases plus larges ?

L’état de l’industrie en Belgique ne dément pas la prospérité du commerce maritime. Si de nombreuses pétitions sont adressées aux deux chambres, si des journaux accueillent toutes les plaintes et les exagèrent, c’est que beaucoup d’intérêts privés et de spéculations financières sont liés à la fortune du roi Guillaume et exercent une haute influence dans la presse ; c’est que, d’ailleurs, la lutte entre la liberté commerciale et la protection tarifaire s’engage aussi très énergiquement chez nos voisins. Elle y donne lieu à une polémique d’autant plus vive, à des manœuvres d’autant plus actives, que la législature n’est pas encore liée à un système, et qu’il s’agit de le fonder.

L’industrie des toiles, la plus importante pour les Flandres, et qui, s’exerçant au foyer domestique, a ses racines dans les vieilles mœurs de ce pays, compte au nombre de ses meilleures années les deux qui viennent de s’écouler. L’importation annuelle de ses produits en France peut être aujourd’hui évaluée à une somme de 20,000,000 fr., sans compter ce que l’interlope fait pénétrer en fraudant le droit[1]. C’est aussi la contrebande qui fait de la fabrication du tabac l’une des plus importantes industries de la Belgique. Nulle part on n’a plus redouté qu’en ce pays l’enquête qui pourrait laisser prévoir une modification au monopole exercé en France sur cette matière. Invité à nous expliquer les motifs d’un aussi vif intérêt : « C’est, nous répondit un représentant, que tant que le régime actuel existera chez vous, nos fabriques de tabac ne sauraient suffire à vous en fournir. »

Liège, cette ville étrange où la féodalité manufacturière des temps modernes s’associe à la féodalité militaire du moyen-âge, où les gothiques clochers se mêlent aux cols élancés des hauts-fourneaux, où l’indus-

  1. Les chiffres suivans, empruntés aux états officiels, pourront faire juger des progrès de l’industrie linière, si menaçante pour l’industrie similaire en France, l’une des plus intéressantes des départemens de l’ouest.

    Importations en France.
    1831. 12,732,946 fr.
    1832. 18,679,077
    1833. 20,137,372