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ment catholique, et qu’en toute circonstance l’intérêt religieux trouve au sein des chambres un concours actif et dévoué. Pourrait-il en être autrement ? qui s’étonnera que, dans l’exercice d’un ministère libre et consciencieux, la conscience individuelle soit consultée, et que la liberté, greffée sur un tronc religieux, porte des fruits parfumés de la saveur de son origine ?

Ce qui se passe au sein des pouvoirs parlementaires, en face de la tribune et de la presse, doit arriver plus fréquemment encore dans l’administration locale. Quel régime assurerait aussi bien que celui des colléges administratifs la prépondérance du clergé dans les religieuses provinces des Flandres ou de la Campine ? Quand le curé sera-t-il plus en mesure de disposer des ressources communales, pour rehausser la splendeur du culte divin ou assurer son existence, que lorsqu’il dictera souverainement leurs choix à ses ouailles, et que l’administration sera commise à deux échevins et à un bourgmestre désignés par lui ? Que l’intérêt général ou celui d’une minorité dissidente se trouve en lutte, nous ne disons pas avec l’intérêt religieux, mais seulement avec un intérêt de sacristie, lequel pense-t-on qui reculera devant l’autre ?

S’il s’agissait d’opter entre l’ouverture d’une route vicinale ou la création d’une caisse d’épargne utile à tous, dans un avenir éloigné, et l’irrésistible plaisir de faire à la fois preuve de goût, de piété et de richesse, en bariolant et dorant de gothiques statues, peut-on douter de la puissance et du résultat de la tentation ? À en juger par l’irritation très vive qui déjà se développe au sein du parti catholique, parmi les hommes les plus ardemment dévoués à leurs croyances, dès qu’ils mettent la main à la pratique des affaires, contre l’action exercée par le clergé de quelques provinces dans la gestion des affaires locales, cette situation créerait au gouvernement et au catholicisme lui-même des obstacles de nature à faire peut-être redouter pour l’avenir une réaction dangereuse.

Le clergé gouverne la Belgique ; il la gouverne au nom de la liberté et par une application large et complète de ses principes. Jamais les idées de M. de Lafayette ne furent plus franchement pratiquées même en Amérique. Les théoriciens n’ont donc mot à dire contre une domination chaque jour légitimée par l’assentiment et le scrutin populaire. Il n’en est peut-être pas de même des hommes de pratique et d’expérience qui savent que la liberté est moins encore le terme que le moyen dans la grande œuvre sociale.

En étudiant l’histoire et en suivant les luttes intestines des peuples, on serait parfois tenté de se demander si la première condition de la liberté pratique ne serait pas la prépondérance incontestée d’une opinion ou d’un intérêt. Des écoles ou des partis égaux en force sont plus enclins à