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ment de sommeil politique, le libéralisme ni le torisme ne la désirent ; ils supposent, l’un, qu’elle ne fortifierait guère la majorité réformiste ; l’autre, qu’elle grossirait peu la minorité conservatrice. Mais ceux qui craignent surtout la dissolution, le croiriez-vous ? ce sont individuellement les membres des communes et de la pairie.

Rien ne coûte si cher qu’un siége au parlement. C’est une ruine que l’honneur de représenter la nation anglaise ; et la dépense n’est pas uniquement à la charge des communes. Elle frappe aussi les lords. Ce sera par exemple, tel d’entre eux qui aura voulu caser ses fils, ses amis, à la seconde chambre, et tout naturellement aura payé leurs mémoires électoraux. En outre, chaque installation d’un nouveau parlement condamne leurs seigneuries à certains frais de bien-venue au profit des clercs. Aussi la perspective d’une réélection générale sourit-elle peu au personnel des deux chambres, et il se pourrait qu’une transaction intervînt entre elles par des raisons de pure économie privée.

Néanmoins, cette coûteuse dissolution sera difficilement évitable cette année. Nous voulons bien qu’on signe un accord au bas du bill des corporations irlandaises. Si l’on prétend que la paix en sera mieux fondée et la cause des collisions détruite, on se trompe ou l’on se moque. Oublie-t-on que les deux pouvoirs législatifs sont depuis deux ans en collision flagrante au sujet d’un autre bill concernant les dîmes irlandaises ? Ne se souvient-on pas que ce bill, voté par les communes et rejeté par les pairs, la session dernière, vient d’être itérativement adopté aux communes après trois nuits de solennels débats, et ne sait-on point que les lords le vont itérativement repousser après une causerie de quelques heures, vu la clause d’appropriation qu’il continue de maintenir ? Eh bien ! transigera-t-on sur cette inévitable clause qui est la question de vie et de mort du cabinet ? Non pas, tant que le cabinet vivra. Qu’adviendra-t-il alors ? Excipant de son titre barbare non abrogé, le clergé protestant va se remettre à poursuivre, à coups de bâton, la perception de sa dîme, qui lui sera payée à coups de fusil.

Ce désordre intolérable forcera bien probablement de recourir à une dissolution. Mais dans l’état de tiédeur et d’insouciance politique où sommeillent les trois quarts de la nation, à moins qu’une grande secousse inattendue ne réveille partout l’esprit populaire, que sortira-t-il d’une nouvelle élection générale, si ce n’est un parlement à peu près semblable à celui d’à présent, et qui jouera aux mêmes collisions ?

Au milieu de ces tristes conjonctures, tandis que la moitié de l’Irlande meurt de faim, un radical fashionable, un roué des plus miséricordieux, M. Duncombe, a jugé piquant d’employer toute une séance des communes à l’examen de je ne sais quelle motion qui voulait faire officiellement sol-