Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
211
LES HIÉROGLYPHES ET LA LANGUE ÉGYPTIENNE.

Septime-Sévère ; pour obtenir la traduction ci-dessus, il eût fallu, dans cette langue, men en kenoute ente peierpe. Sur le même pronaos M. Champollion lit encore : psi mai oéri tfe eunenter, et traduit, le fils chéri, l’aîné du père des dieux : mais pour traduire de la sorte, il faudrait lire en langue copte, pschere emmerit pscher pemmise ente peiôt ennenoute. Tous ces mots, psi, oéai, tfe, enter, sont complètement étrangers aux vocabulaires coptes, et la construction de la phrase n’a pas le moindre rapport avec la syntaxe égyptienne. Nous pourrions citer de même toutes les autres phrases empruntées aux sculptures des temples d’Esné, celles qui appartiennent aux temples de Denderah ; chaque citation nous obligerait à répéter les observations que nous venons de faire. Que l’on examine dans la grammaire elle-même toutes les traductions d’inscriptions appartenant à l’époque romaine, et que l’on ne s’en laisse point imposer par les caractères employés, qui sont bien réellement des caractères coptes, on verra qu’elles ne contiennent pas un seul mot copte, pas un seul, obtenu au moyen de la nouvelle méthode ; et que, quand il se rencontre, ce qui est rare, quelque mot de cette langue que l’on parlait en Égypte au iie siècle de notre ère, il répond à un caractère symbolique sous lequel M. Champollion place le nom copte de l’idée qu’il est supposé représenter. L’examen des fragmens empruntés à l’inscription de Rosette nous donne absolument les mêmes résultats. Enfin, la langue copte ne se retrouve pas sur les monumens de l’époque pharaonique plus que sur ceux de l’époque grecque et de l’époque romaine. Où donc est la démonstration que devait nous fournir la langue copte, et que seule, de l’aveu de M. Champollion, elle pouvait nous fournir ? Nous obtenons par les procédés de lecture qui nous sont proposés une langue nouvelle, qui, loin de pouvoir démontrer la certitude de ces procédés, aurait besoin elle-même d’être démontrée. Dès cet instant la nouvelle méthode est jugée.

Le sens d’un grand nombre de caractères et de groupes hiéroglyphiques a pu être déterminé d’une manière certaine, indépendamment de toute lecture : c’est là ce qui a égaré M. Champollion. Profondément convaincu à priori de l’excellence de ses procédés, il est arrivé à étendre sur le mode de lecture une certitude qui ne s’appliquait qu’à la signification. On sait la prodigieuse élasticité de l’art des étymologistes ; au moyen de cet art, il est aisé de rattacher bien ou mal le premier mot venu à quelque radical ayant à peu près le sens dont on a besoin ; et cela est d’autant plus facile, que la langue sur laquelle on opère est plus imparfaitement connue. Eh bien ! c’est dans la voie des étymologies que s’est engagé M. Champollion, pour rattacher sa langue nouvelle à la langue copte ; c’est par des rapports étymologiques qu’il a cru masquer les différences profondes que nous avons signalées. Ces rapports l’ont séduit ;