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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ANGLETERRE.

mande hautement en vertu d’un titre pareil à celui de M. Evans. Il a su découvrir également une mine vierge et en dégager aussitôt le filon d’or. Le bonheur de M. Lewis a été grand. Il est le premier de tous les peintres qui ait compris les mœurs du peuple espagnol et su extraire leur poésie.

Voici déjà plusieurs années que M. Lewis exploite abondamment ce riche terrain qu’il s’est approprié. Jusqu’à présent, il s’était borné à nous conduire par les rues de Séville et de Grenade, dans leurs couvens et dans leurs églises ; cette fois il varie son spectacle. Nous sommes introduits à l’amphithéâtre ; nous allons voir les taureaux courir.

Les deux courses qu’expose M. Lewis ne sont point des morceaux achevés, mais elles offrent un nombre infini d’admirables détails. Le luxe de costume des toreros amassés aux barrières, leur expression, leur air, leurs attitudes, l’empressement et la cohue aux portes, tout cela est dit merveilleusement et d’une saisissante vérité. À pénétrer plus avant dans l’arène, nous sommes moins satisfaits. L’action est surchargée de trop d’incidens. Or, la tragédie de la place des taureaux est la plus simple de toutes, en même temps que la plus terrible. Jamais l’intérêt ne s’y divise ; jamais deux points divers qui l’attirent et se le disputent. Un seul, un point unique absorbe et retient rivées les dix mille ames humaines entassées là, regardant, palpitantes, la vie d’une de leurs sœurs, pendue à un fil. Nous ferons à notre artiste une autre chicane : curieux et sagace observateur comme il est des choses et des figures locales, nous trouvons qu’il n’a pas suffisamment étudié tous ses personnages. Ces pauvres chevaux des courses, tout invalides et squelettes qu’ils paraissent, ne sont pas de purs rossinantes ; ils témoignent jusqu’à la fin de leur sang andalou. Nous les voyons, aux trois quarts éventrés, courir encore bravement à la charge, et la tête haute, offrir le poitrail au coup mortel. Le peintre n’a pas traité beaucoup plus fidèlement ses taureaux ; il a fait de très respectables taureaux ordinaires, non pas des taureaux espagnols, ce qui est tout autre chose. Ces torts, véniels pour nous, seraient irrémissibles aux yeux d’un aficionado véritable. C’est qu’au cirque le cheval et le taureau ne sont point de simples comparses. L’acteur principal est le taureau peut-être.

Mais où M. Lewis triomphe surtout, c’est dans son troisième