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LETTRES SUR L’ISLANDE.

vrages essentiels, elle offre aussi l’avantage immense de faire circuler dans les familles une foule de bons livres qu’elles ne pourraient se procurer, de répandre comme une source abondante la vie intellectuelle dans toutes les artères de cette lointaine population.

La société littéraire d’Islande date de 1816. Elle se divise en deux branches : celle de Copenhague et celle de Reykiavik. Son but est de propager en Islande le goût de la littérature, et de faire imprimer dans la langue du pays les livres les plus utiles. Le nombre de ses membres n’est point limité, et en même temps qu’elle cherche à s’attacher par un lien de confraternité littéraire les savans étrangers, elle enveloppe dans son vaste réseau toute l’Islande intellectuelle. À part 600 fr. qu’elle reçoit chaque année du gouvernement danois, cette société n’a pas d’autre ressource que la cotisation, à laquelle se soumettent ses membres, et avec ce revenu précaire, et le produit de ses publications, elle a fait paraître plusieurs ouvrages populaires[1], et contribué à la confection d’une carte générale d’Islande.

Outre ces livres excellens d’histoire, de géographie, que la société répand dans chaque district, elle publie encore tous les mois un journal. C’est une simple feuille in-18, qui a pour titre Courrier du Midi (Sunnar posturiun), une feuille créée exprès pour le peuple, écrite pour le peuple. Il n’y a là ni discussions politiques, ni querelles littéraires. Le paysan d’Islande, tout occupé de sa ferme, de sa pêche, est encore étranger à ces graves débats qui agitent si fort nos salons. Seulement le Courrier du Midi lui dit de temps à autre ce qui se passe en Europe, s’il y a une révolution, une guerre, un désastre, et cela lui suffit. Le plus souvent, on l’entretient de lui-même, on lui donne des conseils d’hygiène, d’agriculture, d’économie domestique. Puis un rédacteur lui annonce les découvertes les plus utiles ; un autre lui communique ses observations astronomiques, et de temps en temps, un troisième chante sur le mètre des anciens scaldes le bonheur et les vertus de l’Islande moderne. Le paysan est enchanté de voir tant de science et de sagesse réunies dans une si petite feuille, et chaque mois il l’attend avec impatience ; aussi le Courrier du Midi compte-t-il, sur une population de 50,000 habitans, 1,100 abonnés[2].

  1. Je citerai, entre autres, la Sturlunga saga, 4 vol. in-4o ; les Annales d’Islande, 3 vol. in-4o ; les poésies de Grœndal, Olafssen, etc.
  2. On pourrait citer beaucoup d’autres exemples de cet amour des Islandais pour la lecture. Les sagas rimées de Vidoë sont toujours imprimées en très grand nombre, et la douzième édition du recueil de sermons de Vidalin s’est vendue, il n’y a pas long-temps, à trois mille exemplaires.