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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/751

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REVUE


LITTÉRAIRE

§ i.
LES POÉSIES NOUVELLES.

Décidément le siècle est inexorable ; les poètes ont beau dire et beau faire, sauf quatre ou cinq d’entre eux dont il a reconnu la légitimité, et auxquels il prête attention quand ils parlent, il ne veut plus écouter aucun de ceux qui surgissent présentement. Mais si l’audience leur est refusée, les poètes ne se découragent pas. Le siècle s’obstine à se boucher les oreilles ; ils ne se condamneront pas au silence pour cela ; on les entendra bon gré mal gré : — Ah ! vous détournez la coupe où nous vous avions versé la poésie ! Siècle ingrat, vous y boirez pourtant. Nous vous prendrons par surprise ; nous mettrons, s’il le faut, de la prose sur les bords. — Ainsi disent et font les poètes. Ce ne sont plus des ballades ou des élégies qui s’annoncent à l’heure qu’il est ; ce sont des romans ou des épisodes. La poésie s’avance mystérieusement un masque sur le visage, le manteau jusqu’au nez. Le candide public ne soupçonne pas d’abord le déguisement ; il achète imprudemment, sur la foi du titre, un bel in-octavo qui lui promet bien quatre ou cinq cents pages de belle prose. Le voilà pris au piége. Il ouvre le livre, et ce sont des ballades et des élégies qui le regardent, échevelées et l’œil suppliant.

Nous doutons fort, toutefois, que ces innocens stratagèmes réussissent long-temps. La poésie aura beau s’affubler des plus impénétrables costumes, elle ne trouvera plus guère, prochainement, de public qui se