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tres, lues de suite et dans leur enchaînement naturel, gagneront encore, et on y apprendra beaucoup avec aisance et charme. Ce qui est du pays même et de la nature d’Islande, a du mouvement naïf et de la vie ; nombre de passages peuvent se comparer à des gouaches franches et bien venues. Nous recommandons les pages qui commencent le chapitre des deux Eddas : la manière de M. Marmier, et cette sensibilité qu’il mêle à ses analyses, s’y montrent heureusement. M. Marmier, au reste, n’est sorti de sa première tâche que pour la reprendre de plus haut et la pousser plus loin ; il part en ce moment pour aller en Danemarck et en Suède approfondir, auprès des maîtres, une étude vers laquelle il se sent de plus en plus attiré, et dont il veut nous rendre faciles les fruits. Il emporte avec lui tous les vœux de ceux qui ont suivi jusqu’ici les efforts et les progrès d’un talent consciencieux, ingénieux et sensible.


L’Ame exilée, tel est le titre d’une légende qui vient de paraître chez Delloye, sous un pseudonyme qu’une partie de la société de Paris a déjà pénétré. Il ne faut pas demander à ces quelques pages encadrées entre d’élégantes arabesques et des épigraphes bibliques, ce dramatique intérêt par lequel une nouvelle obtient un succès de larmes dans les cabinets de lecture ou un succès d’esprit dans les salons. Mais si des couleurs antiques harmonieusement fondues par un pinceau délicat, si un mysticisme chrétien par sa profondeur, judaïque par sa pensée sévère, sont de nature à fixer l’attention distraite et fatiguée, on lira ce chant de foi qui s’exhale un soir dans la plaine de Gédora, qu’enveloppe un voile de douleur.

Une jeune fille qui a vécu quelques heures de la vie du ciel, et à laquelle la terre apparaît pâle et nue, sans joies et sans amours, quoique sa douce mère et son beau fiancé soient auprès d’elle ; une mère conduite à maudire l’heure où sa fille lui a été rendue par une miraculeuse intervention, la terre vue du ciel, le ciel entrevu de la terre, ce sont là d’étranges données pour une œuvre de ce temps-ci. Peut-être indiquent-elles l’imminence d’une réaction spiritualiste. Le succès de ce petit ouvrage constaterait au moins la possibilité de la tenter.

L’Ame exilée paraît n’être qu’une pierre d’attente. Un roman en trois volumes est annoncé pour paraître très prochainement. Nous suivrons avec intérêt le développement d’un talent nouveau qui s’éloigne des routes battues, et s’inspire à des sources aussi élevée et aussi pures.


M. J.-J. Ampère a terminé l’introduction de son cours, au Collége de France ; il commencera, le lundi 10 avril, l’histoire de la littérature française au moyen-âge, comparée avec les littératures étrangères, et continuera ce cours les lundi et jeudi, à une heure.


F. BULOZ.

— Nos souscripteurs recevront avec cette livraison les feuilles destinées à remplacer les pages 623 à 634 de notre livraison du 1er mars, où se trouvait une transposition.