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SALON DE 1837.

leur est jaune et peu naturelle ! La couleur rappelle tant de chose, elle seule est souvent presque de la ressemblance. Comment le système sanguin sera-t-il jamais représenté dans l’école de M. Ingres ? M. Steuben nous a donné l’image de deux grands princes du règne de Charles VI, de Jean-sans-Peur, duc de Bourgogne, et de Louis d’Orléans, lieutenant-général du royaume de France. L’un est bien beau, l’autre bien laid. Nous ne savons pas d’après quelles données M. Steuben a pu travailler ; mais, sans chercher la couleur locale, il aurait pu respecter davantage, dans ces figures, le caractère de l’époque.

Des deux portraits de M. Winterhalter, nous n’en connaissons qu’un, c’est celui qui représente une noble et belle jeune fille, parée des fraîches couleurs de la jeunesse, et vêtue d’une robe blanche d’où elle semble sortir comme d’une rose effeuillée. Il est exécuté avec la grace et la finesse qui appartiennent à l’auteur du Décameron. N’était quelques tons un peu trop jaunes sur les bras, ce charmant ouvrage ne laisserait guère à désirer. Enfin, un des meilleurs portraits peut-être de l’exposition est celui de M. Arago, par M. Henry Scheffer. La tête du savant est pleine de ressemblance et largement dessinée, les mains sont belles, la couleur un peu froide, mais vraie. Nous aimons moins son portrait de femme aux cheveux si noirs et à la peau si blanche, bien qu’il y ait du naturel et des finesses extrêmes.

Quant à M. Champmartin, il serait à souhaiter qu’il changeât sa manière actuelle de peindre ; nous croyons qu’il tombe dans une voie fausse, contraire à la nature et dépourvue de charme, et nous le jugeons trop homme de talent pour ne pas lui dire ce que nous croyons être la vérité. La peinture du portrait est une assez belle partie de l’art, et l’on peut y recueillir assez de gloire pour que l’on s’en occupe sérieusement. Certes elle en vaut bien la peine. Joshua Reynolds et Thomas Lawrence, dans ces derniers temps, ont conquis une belle fortune et une immense réputation ; et si l’on se rappelle les magnifiques ouvrages de Titien, on comprendra que le portrait est peut-être le seul genre de peinture où il ait été donné à l’homme d’atteindre la perfection, de réunir l’idéal de l’expression à la réalité des détails.

Il est un autre genre qui, sans doute, est moins élevé que celui dont nous venons de parler, mais qui n’en renferme pas moins des