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est difficilement saisi. Cependant la statue gagne en finesse. Il y a un buste charmant de jeune fille de M. Duret. La bouche est modelée avec une grace extrême. Le vase de M. de Triquetti, représentant l’âge d’or et l’âge de fer, est conçu dans le goût de la renaissance. La partie supérieure est bien entendue, mais le socle est pauvre d’invention, et trop maigre pour soutenir le large flanc du vase. Il y a enfin un charmant génie de la pêche, qui, les ailes au dos et le filet en main, est venu de Rome nous apporter le nom de l’aimable et modeste Tenerani, et nous apprendre que dans le sein de cette antique mère des arts il se trouve encore des hommes qui cherchent le beau, qui le comprennent et qui l’expriment avec un sentiment vraiment original.

Nous pourrions encore parler d’un grand nombre de morceaux qui sont les résultats de travaux sans doute consciencieux ; mais qu’en dirions-nous, si ce n’est que, presque tous commandés par la maison du roi à leurs auteurs, ils n’ont pas été pour eux de puissantes sources d’inspiration ? L’année prochaine probablement verra le temple de la sculpture s’éclairer de rayons aussi vifs que celui de la peinture. M. Pradier ne nous donnera pas toujours des statuettes bourgeoises, et nous fera peut-être admirer les chairs délicates d’une jeune Vénus ; M. Duret ne se contentera pas de nous offrir un joli buste, il nous ramènera encore quelque jeune Mercure oublié dans Pompeï. Il n’y aura pas toujours des généraux d’empire à sculpter, et des arcs de triomphe à décorer de bonnets à poil et de guêtres de pierre ; aussi M. Rude pourra-t-il nous donner un pendant à son petit Napolitain. Le rôle de la sculpture est encore assez grand, bien qu’elle soit menacée par la civilisation. Elle peut prendre l’initiative et tourner les esprits vers le beau par une connaissance approfondie du corps humain, et une étude du nu plus naïve et plus vraie qu’elle ne l’a été jusqu’à ce jour. On nous dira, sans doute, que ce sont des chimères et que cela est impossible, parce que cela est contraire à nos mœurs. Nous ne répondrons qu’une chose, c’est qu’au xvie siècle, on était bien loin de vivre et de s’habiller à la grecque et à la romaine, et pourtant Michel-Ange, plongeant avec fierté dans l’anatomie, ne peignit que le nu dans son Jugement dernier, ne sculpta que le nu dans son admirable chapelle des Médicis. Sans le nu, il n’eût pas été Michel-Ange, il n’eût pas été le Phidias des temps