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talivet, en se réservant la présidence du conseil et le ministère des affaires étrangères. C’était vraiment bien la peine de parcourir un si grand cercle pour en venir à proposer à M. de Montalivet le ministère de l’intérieur, qu’on lui avait si opiniâtrement refusé, en alléguant pour cause de cette répugnance obstinée, que M. de Montalivet ferait de pitoyables élections. Or, de deux choses l’une. Ou M. de Montalivet fera les élections, et si elles sont pitoyables, comme s’y attend M. Guizot, elles le renverseront ; ou bien on ne laissera pas M. de Montalivet faire les élections, soit en se débarrassant de lui avant cette époque, soit en lui imposant un secrétaire-général qui le dominera, comme faisait M. de Rémusat auprès de M. de Gasparin. Dans le premier cas, M. Guizot aurait mille fois tort de prendre M. de Montalivet ; dans le second, M. de Montalivet se perdrait en acceptant les propositions de M. Guizot ; et dans les deux cas la logique les condamne à être l’un pour l’autre de très fâcheux collègues. On nous assure que M. Guizot a offert à M. de Montalivet de faire à la chambre une déclaration de principes dans le sens du côté gauche modéré. S’il en est ainsi, M. Guizot et tout le banc ministériel passeraient à M. Thiers, et le parti de la droite dynastique ne se composerait plus dans la chambre que de M. Jaubert, et dans la presse, du Journal de Paris. En vérité, c’est pousser trop loin l’amour du pouvoir, et réaliser l’adage : Propter vitam vivendi perdere causas ; en bon français : s’annihiler à force de vouloir être puissant. Mais M. Guizot, qui s’écriait avec douleur, en parlant de M. Fonfrède : Que voulez-vous faire ? il dit tout ; M. Guizot se garderait bien de formuler à l’heure même cette déclaration de principes, et ne se croira pas obligé de dire tout à M. de Montalivet, qui apprendra bientôt, s’il ne le sait déjà, que pour être admis aux secrets politiques de M. Guizot et de ses amis, il ne suffit pas d’être leur collègue.


P. S. On annonce que l’inflexibilité de M. Guizot vient d’être mise à une nouvelle épreuve. À peine s’était-il imposé la résolution de se faire président du conseil, et avait-il fait part à ses amis et à ses ennemis de la chambre de la détermination invariable de se placer à la tête du ministère et de vaincre, à tout prix, la répugnance qu’éprouvait M. de Montalivet à accepter sa présidence, qu’il s’est vu menacé de céder sur ce point, et d’accepter lui-même la présidence de M. le général Sébastiani. M. Guizot resterait donc ministre ; mais à quel prix ! Avoir