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REVUE. — CHRONIQUE.

jailli. Or, parler n’obvie pas toujours à tout ; car l’éloquence, qui place M. Guizot si au-dessus de ses anciens collègues, n’a empêché ni le désastre de Constantine, ni même le rejet de la loi de disjonction.



REVUE MUSICALE.

S’il est vrai, comme l’ont dit certains docteurs qui prétendent lire à livre ouvert dans les plus profonds replis des consciences, et sont avant tout possédés de la fureur d’attribuer les moindres actes d’un homme de génie à des causes mystérieuses et latentes ; s’il est vrai que Rossini ait quitté la France, non pour aller trouver ailleurs l’air tiède et le soleil, qui décidément nous oublie, et porter en des climats plus agréables son oisiveté persévérante, mais pour échapper aux triomphes des musiciens de ce temps, et se soustraire au spectacle de certaines admirations qui l’affligent, l’enthousiasme avec lequel sa dernière partition vient d’être accueillie à l’Opéra est bien fait pour le consoler et guérir les blessures dont sa vanité peut avoir souffert. Certes si la musique n’a pas cessé de chanter en lui, si le sol généreux qui a porté jusqu’à ce jour de si magnifiques moissons n’est pas ruiné et stérile à jamais, les vents de France qui porteront à Bologne les applaudissemens arrachés par cette musique sublime de Guillaume Tell le féconderont sans nul doute, et l’œuvre en sortira plus d’une fois encore éblouissante de jeunesse et de fraîcheur.

Entre toutes les partitions épiques de Rossini, je n’en trouve qu’une seule qui puisse être dignement comparée à Guillaume Tell : la Semiramide. De part et d’autre, c’est la même solennité dans le style, la même ampleur dans les développemens, le même souffle dans la mélodie ; seulement, avec Semiramide, Rossini pouvait agir plus franchement. La grandeur antique du sujet, le caractère assyrien, tout contribuait autour de lui à faire du sublime l’élément nécessaire de son œuvre. Pour Guillaume Tell, il n’en était pas ainsi ; il fallait, sous peine de se traîner durant quatre actes à travers une série d’accidens de plus en plus vulgaires et mesquins, rompre sur-le-champ en visière avec l’expression telle quelle du poème, et s’élancer d’un bond dans l’idéalité du sujet. Rossini ne pouvait se contenter de ces mœurs du chalet et de l’étable, bonnes tout au plus à séduire un musicien d’opéra-comique. Une révolte de paysans