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saire à tout gouvernement, dans l’esprit de coterie, dans les destitutions ; vous n’avez réussi ni dans les choses, ni relativement aux hommes ; enfin, il vous est interdit de réunir une masse suffisante d’adhérens pour pouvoir gouverner. Cela est si vrai, que cette politique homogène a eu peur d’elle-même, et a voulu devenir politique de coalition ; on sait les personnes auxquelles elle s’est adressée ; puis elle s’est vue réduite à se produire seule ; mais alors les inquiétudes du pays ont été partagées assez haut pour que les bancs du ministère lui fussent fermés. Ainsi vous ne pouvez gouverner seuls ; vous ne pouvez vous allier, le trône vous craint, et l’opposition vous souhaite.

Que répondre à cette accablante démonstration si calme, si froide, impartiale même dans sa cruauté, et qui ressemble plutôt à l’arrêt d’un juge qu’à l’agression d’un adversaire ? Le discours de M. Thiers a fermé l’entrée du ministère à M. Guizot, il a démontré la nécessité du cabinet du 15 avril, il l’a consolidé en lui donnant pour point d’appui les opinions du centre gauche ; de plus, il a été la préface de l’amnistie.

C’est un fait grave d’entendre un homme d’état, qu’on ne peut accuser ni de chimères, ni de faiblesse, dénoncer au pouvoir et au pays que la situation est changée ; celui qui déclare ce changement était au plus fort de la résistance, quand il pensait qu’il fallait résister. Personne n’a fait plus que lui, comme il l’a dit lui-même ; mais maintenant il faut faire autre chose.

Rien n’accuse plus la coterie homogène, que cette impossibilité de comprendre la France et son génie. Eh ! messieurs, vous croyez encore le pays au même point ; tâchez donc de le rejoindre dans ses progrès ; déplacez-vous avec lui ; ne restez pas cantonnés, dans les mêmes colères et les mêmes formules ; si à côté de l’impuissance vous mettiez l’ennui, vous achèveriez de vous perdre dans l’esprit de la France, qui n’aime pas les redites et les longueurs.

On ne saurait trop appuyer sur ce point : l’amnistie prononcée par le roi, l’attitude prise par le ministère du 15 avril, le discours de M. Thiers, les votes du centre gauche et d’une partie de la gauche ont constitué officiellement une situation nouvelle. Maintenant les faits répondent aux idées, et les résultats que la France poursuivait surtout depuis un an, sont obtenus aujourd’hui. La France désirait qu’il n’y eût plus ni vaincus,