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sible de par la loi Jacqueminot ; voilà ce qui se reflète en mille facettes dans le recueil de M. Roger de Beauvoir. Lui-même il est le premier à railler son inspiration, à déjouer sa description, quand elles deviennent un peu sérieuses. Il se montre souvent un touriste plein de désinvolture, un Puckler-Muskau de la poésie. À travers ce cliquetis attrayant qu’il affecte, on pourrait citer plus d’une jolie pièce comme Tristesse, où perce un coin de sensibilité de cour. Le tout est en rhythme excellent, fort bien manié, et qui, aux conditions sévères qu’il remplit, ne sent pas l’amateur et charme nos poètes. Mais ce qui nous a surtout frappé et ce que nous recommandons, c’est une qualité qui depuis long-temps semble avoir fait place dans notre poésie à l’éclat, à l’imagination, à la religion, au sentiment ; une qualité que M. Alfred de Musset a heureusement réintroduite dans les vers, et dont M. Roger de Beauvoir à son tour vient de faire preuve dans les siens, l’esprit.


Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de france, depuis le xiiie siècle jusqu’à la fin du xviiie, publiée par MM. Michaud et Poujoulat[1].

Peu de collections méritent plus la faveur publique que celle dont on vient de lire le titre. Nous souhaiterions pour notre compte, dans l’intérêt des lettres et des études historiques en particulier, que le jugement que nous en portons contribuât à la répandre. Pour ce qui est de l’utilité, le titre seul en dit assez. Aussi bien cette utilité n’est pas d’hier : on a compris, même avant ce premier quart du xixe siècle, que les élémens de l’histoire véritable étaient les chroniques et mémoires, pourvu qu’ils fussent, non pas feuilletés dédaigneusement comme ils l’ont été par beaucoup d’historiens, mais lus avec patience et comparés avec sagacité. Ç’a été l’un des mérites de notre temps. Il en est résulté une manière d’écrire l’histoire plus exacte, plus profonde, et, si nous pouvons dire, plus familière. Nous y avons gagné, outre de bons livres, un goût très vif et très général pour notre histoire nationale, jusque-là sacrifiée, il faut le dire, à l’histoire de la civilisation, qui était le but et qui a été l’œuvre du xviiie siècle.

La meilleure manière d’entretenir ce goût, d’où sortira peut-être une histoire complète de notre France, c’est d’abord de multiplier les recherches et les publications de mémoires ; c’est ensuite d’accommoder ces publications aux facultés pécuniaires de notre époque, où les esprits éclairés sont si nombreux et les fortunes si réduites. La collection dont

  1. Paris, chez Bobée, rue des Petits-Augustins, 24.