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anglaises. L’esprit le plus actif du xviiie siècle, après Voltaire, Diderot, emprunta de l’Angleterre ses premières études philosophiques et son premier essai d’encyclopédie. Rousseau tira des ouvrages de Locke une grande partie de ses idées sur la politique et l’éducation ; Condillac, toute sa philosophie. Il semble donc qu’avant d’aller plus loin dans l’histoire littéraire de notre patrie, c’est le moment de nous arrêter au tableau des lettres et de la civilisation anglaises dans leur rapport avec la France, et d’indiquer rapidement ce qu’elles nous avaient emprunté, et les exemples qu’elles nous rendaient.


SWIFT, ADDISON, STEELE

… Congreve, Addison, Prior, Parnell, Swift, florissaient à la fois ; et Pope préludait à sa gloire. En même temps que l’Angleterre, humiliant la vieillesse de Louis XIV, entamait ses provinces, et disputait l’Espagne à son fils, elle semblait aussi attirer à soi cette belle civilisation des lettres qui avait marqué notre plus glorieuse époque, et nous dépouiller de nos arts comme de nos victoires. On sait avec quel enthousiasme fut ressentie par les Anglais la victoire de Blenheim (1704), et les magnifiques récompenses qu’elle valut à l’insatiable Marlborough. Addison la célébra dans sa fameuse Campagne, gazette rimée, semblable au Fontenoi de Voltaire, et dans son opéra de Rosamonde ; car la mode française prévalait au point de faire, pour un général whig, les mêmes apothéoses d’opéra si long-temps prodiguées et reprochées à Louis XIV.

Ce goût de louanges officielles dominait fort dans la poésie classique du temps, et produisait parfois d’étranges disparates. C’est