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seulement une vie, mais des vies innombrables de Bouddha. Et la légende put se multiplier à l’infini comme le dieu lui-même.

Bouddha a une biographie antérieure à sa naissance. Il a commencé par être un homme ordinaire cherchant la sagesse. Puis, de degrés en degrés, à travers des millions d’existences, il s’est élevé au rang de boddisattva (uni à l’intelligence) ; il a été roi de l’univers ; il est monté au ciel de Brahma ; il a été Brahma ; la durée de la vie d’un Brahma est de deux régénérations du monde, ou deux mille six cent quatre-vingt-huit millions d’années. Il était à la fois un dieu dans le ciel, et sur la terre un saint roi. Mais dans cet état de béatitude, Bouddha est saisi du désir de sauver les hommes… Il veut témoigner sa commisération pour toutes les douleurs, et faire tourner la roue pour tous les êtres vivans[1]. Pour cela, il résout de se faire homme ; il choisit la mère qui doit l’enfanter. C’est une vierge[2] qui concevra en songe d’un saint esprit.

La légende a diversifié de plusieurs manières le sentiment de mélancolie sublime qui saisit Bouddha à la vue de la misère humaine, et lui fait prendre la résolution de sauver, d’affranchir l’homme de la douleur, c’est-à-dire, dans le point de vue du quiétisme bouddhique, de le tirer de la sujétion des existences changeantes et périssables, soumises aux troubles et à la souffrance, pour l’élever à l’état de repos immuable qui résulte de l’union de l’intelligence avec la substance infinie d’où elle émane.

Bouddha dit, dans une légende citée par M. Rémusat :

« Les maux qui affligent tous les êtres, les erreurs auxquelles ils sont en proie et qui les écartent de la droite voie, leur chute dans le séjour des grandes ténèbres, les douleurs sans fin qui les tourmentent sans qu’ils aient un libérateur ou un protecteur, leur font invoquer ma puissance et mon nom. Mais leurs souffrances que mon œil céleste me fait voir, que mon oreille céleste me fait entendre, et auxquelles je ne puis porter remède, me troublent au point de m’empêcher d’atteindre à l’état de pure intelligence[3]. »

  1. Pag. 71.
  2. Klaproth, Vie de Bouddha, Journal asiatique, tom. IV, pag. 15.
  3. Le Bouddha, qui se plaint avec tant de grandeur de la tristesse que lui causent les souffrances des êtres, a eu, dans les superstitions populaires de la Chine, une destinée misérable. Elles ont fait de lui une divinité femelle d’un ordre subalterne ; et il a fini par donner son nom de Pousa à ces figures arrondies par la base, dont le balancement gro-