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jour vint servir d’énergique commentaire, que pouvait valoir la creuse rhétorique de l’opposition ? Hypocrite ou niaise, elle repoussait comme des imputations calomnieuses les conséquences les plus immédiates de ses principes. Contrainte de céder au vœu manifeste du pays, elle protestait de son désir d’éviter la guerre, et le premier résultat de son avènement aux affaires eût été de l’allumer par toute l’Europe. Elle voulait que la révolution de juillet donnât aux grands principes de liberté une sanction puissante, et elle applaudissait à l’inquisition des domiciles, organisée contre la faiblesse d’une opinion, pour échapper à la tyrannie de l’autre. Elle demandait l’état de siége en Vendée, et fut bientôt attaquée dans Paris avec les armes qu’elle avait forgées dans son imprévoyante colère. Si l’impuissance manifeste du parti légitimiste était pour elle un thème de chaque jour, elle ne l’exploitait jamais qu’en réclamant contre lui des rigueurs odieuses, si elles étaient inutiles. Il fallait surtout renouveler le personnel entier des administrations pour calmer les patriotiques inquiétudes de vertueux citoyens qui ne voyaient dans le programme de l’Hôtel-de-Ville que des perceptions ou des recettes.

Mais, en revanche, on s’étonnait de la méfiance témoignée par le pouvoir à un parti auquel on allait même jusqu’à refuser ce nom, association sans conséquence de bons jeunes gens aux sympathies généreuses, centre précieux où le patriotisme de juillet se réchauffait en un ardent foyer, jeunesse d’élite qui ne songeait pas à sortir du cercle d’une légalité rigoureuse, et qu’il eût suffi de quelque confiance pour ramener. Peu de mois après, le parti républicain, qui devait sourire de pitié en voyant l’étrange tableau tracé, à la tribune, de son esprit de légalité et de sa mansuétude, insurgeait Lyon, se barricadait au centre de Paris et faisait des cartouches avec la charte de 1830.

Quels vœux précis de réforme articula dans ce temps l’opposition de gauche ? Réclama-t-elle, lors de la discussion des lois sur la garde nationale, sur le système municipal et une foule d’autres questions fondamentales, l’application de quelques principes vraiment populaires et féconds ? Introduisit-elle des vues nouvelles en administration, en finances, en économie politique ? Entendait-elle, par exemple, modifier profondément le régime administratif, organiser la liberté sur la base du self-government avec l’excitation puissante et continue que lui donnent les mœurs et les constitutions fédérales de l’Amérique du Nord ? Rien moins que cela, vraiment. Toutes les lois organiques votées dans les premiers mois de la révolution fu-