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DU POUVOIR EN FRANCE.

pouvoir dans les seules circonstances où il lui était possible de l’exercer dans le sens de ses doctrines. La restauration était peut-être aussi nécessaire à ce parti que lui-même lui était indispensable ; son opposition, fort naturelle, à l’influence réactionnaire de la droite, sous le ministère de 1822, devint aussi malhabile qu’inexplicable sous la conciliante administration de M. de Martignac. La lutte imprudente des doctrinaires contre un cabinet qu’ils eussent pu dominer en lui prêtant concours, au lieu de l’entraver par des exigences contraires à toutes leurs théories gouvernementales, restera comme leur première et leur plus irréparable faute. Ils furent alors mal inspirés par la conscience, plus mal éclairés par l’ambition : intermédiaires naturels entre la dynastie et la France, ils pouvaient entrer au pouvoir par la popularité, et s’y maintenir sans livrer des luttes incessantes contre les susceptibilités qui les repoussent.

Lorsqu’on porte dans de telles investigations un complet dégagement, et qu’on essaie, au milieu des irritations présentes, de devancer l’histoire, c’est chose vraiment difficile que d’analyser les élémens d’un parti, chose difficile à ce point que M. Hallam hasarde à peine une définition des deux grandes écoles politiques de l’Angleterre qui nous apparaissent pourtant si parfaitement distinctes[1].

Cependant nous ne croyons pas nous être écartés des données universellement admises en ce qui concerne le parti qualifié doctrinaire. Un dernier trait caractérisera peut-être d’une manière plus complète cette école si éminente par ses hommes, si forte et si compacte par sa bonne discipline.

Cette foi dans un pouvoir, centre de tout mouvement social, n’a pu manquer d’y inspirer une confiance exagérée et quelquefois peu politique dans la légalité, ou, pour parler mieux, dans la puissance officielle de la loi. Les intelligences sont-elles travaillées par des désordres profonds ? toutes les notions du bien et du mal sont-elles misérablement confondues ? On demande des lois, beaucoup de lois, au lieu de demander du temps et de s’en assurer le bénéfice infaillible par une politique habile et froide. Le roi est-il menacé par d’atroces monomanes ? On pense, en lui cuirassant la poitrine de lois, écarter les coups des assassins ; et l’on eût cru remporter une victoire pour la société comme pour le prince, si tel article du code d’instruction criminelle avait été remplacé par tel autre. Au fond pourtant n’étaient-ce pas là des misères, de dangereuses inutilités ? Du-

  1. The Constit. hist, of England, tom. iv, chap. XVI.