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ORGANISATION FINANCIÈRE DE LA GRANDE-BRETAGNE.

le commerce que l’on peut abandonner à la concurrence, et dans lequel la concurrence est utile pour amener le bon marché, ainsi que le bon emploi des capitaux. Mais la concurrence dans l’émission du signe monétaire ne fait qu’annuler ou déprécier la puissance de cette valeur.

En Angleterre, comme en France, comme aux États-Unis, comme chez tous les peuples qui ont des institutions de crédit, on en viendra, nous le croyons, avec le temps, à ériger en monopole absolu le droit de battre monnaie de papier. L’unité du signe de la circulation s’établira tout aussi rigoureusement pour le papier que pour l’or et pour l’argent. Quant à la question de savoir si le gouvernement se réservera d’exercer ce droit par lui-même ou de le déléguer, ce n’est qu’une difficulté d’exécution.

En Angleterre, quelques bons esprits engagés dans cette tendance d’opinion, mais qui n’en adopteraient peut-être pas encore la dernière conséquence, ont demandé que les attributions monétaires de la Banque fussent séparées de ses attributions commerciales[1]. Ses intérêts, comme comptoir d’escompte et de prêt, sont, en effet, en opposition directe avec les devoirs que lui imposent ses fonctions de surveillant général de la circulation. Plus elle émet de billets, plus elle accroît ses bénéfices, et par conséquent les dividendes des actionnaires ; mais aussi des émissions trop abondantes dérangent l’équilibre monétaire, qu’elle est chargée de maintenir.

À considérer attentivement les faits, on reconnaît que la séparation des deux intérêts s’accomplit par la force des choses. La Banque se retire insensiblement de l’arène commerciale ; pour suppléer à l’insuffisance de ses escomptes, il a fallu créer un comptoir spécial à Londres, sous le titre de London and Westminster Bank. Les fonds que le public dépose dans ses bureaux, elle les prête plus fréquemment au trésor qu’à l’industrie. De ces restrictions à l’abandon absolu de toute opération commerciale, il n’y a véritablement qu’un pas ; encore une crise, et ce pas sera franchi.


Léon Faucher.
  1. Voici les conclusions fort remarquables qui ont été posées dans un pamphlet récent, par M. J. Loyd ; nous donnons le texte anglais dont notre langue rendrait mal l’énergie : « 1o To strengthen the monopoly, as regard currency, of the central issuer ; 2o to make a gradual approach towards the separation of Banking fonctions from the management of currency ; 3o to have a distinct separation in the accounts of the Bank, of the management of the currency, from every other branch of her business ; to have a separate committee of currency, and to associate with the committee a représentative of the government. »