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embrasser dans ses recherches l’antiquité tout entière ; enfin, M. Dujardin, qui a fait de la langue égyptienne-copte l’objet d’une étude longue et approfondie. Nous ne citons point un étranger, M. Salvolini, dont les travaux ont été récemment appréciés dans la Revue, car il nous semble, à voir les résultats de cette appréciation, que, de sa part, la candidature ne saurait être sérieuse.

Convaincus comme nous le sommes que la chaire vacante doit conserver sa spécialité première, nous n’avons point à nous occuper des titres de M. Guérard, non plus que de ceux de M. Lajard ; nous dirons seulement que le ministre de l’instruction publique, disposé à créer toute chaire nouvelle dont l’utilité lui sera démontrée, ne consentirait point à laisser entrer notre histoire nationale au Collége de France par une porte dérobée. Que serait, en effet, une archéologie française, sinon un ingénieux artifice pour adapter l’histoire de France au titre de la chaire vacante ?

Passons à M. Lenormant. Du point de vue où nous nous sommes placés, nous n’avons à considérer dans ses travaux que ceux qui sont relatifs à l’Égypte. Il faut le dire, M. Lenormant nous paraît avoir pris à rebours la question de l’archéologie égyptienne ; au lieu de commencer par la base, il s’est adressé tout d’abord aux sommités de l’édifice ; il a pris le chemin le plus court pour arriver plus rapidement ; aussi la valeur des résultats obtenus a-t-elle été tout ce qu’elle pouvait être en cas pareil. Mais si des explications flottantes, creuses, sans appui réel, peuvent défrayer un cours d’histoire égyptienne fait dans une chaire d’histoire moderne, elles sont fort loin de convenir à un cours d’archéologie sérieuse. Il faut, pour occuper la chaire de M. Champollion, une connaissance complète, approfondie, de la langue égyptienne-copte, et cette connaissance manque tout-à-fait à M. Lenormant : il en convient lui-même. M. Lenormant paraît ne s’être pas fait une idée bien juste de la voie dans laquelle devaient être portées les découvertes de M. Champollion pour donner tous leurs fruits ; il s’est trompé grandement, s’il a cru que ces fruits se pouvaient obtenir indépendamment de la langue égyptienne. M. Lenormant, étranger à l’idiome copte, seule base de toute archéologie égyptienne, ne saurait occuper la chaire vacante, quelque familier qu’il puisse être avec la forme des monumens divers dont se composent nos musées. D’ailleurs, quand le motif dont nous venons de parler ne serait pas déjà plus que suffisant, nous avons peine à croire que le ministre de l’instruction publique, qui vient de placer M. Lenormant dans une position fort brillante à la Bibliothèque du Roi, consentît à le nommer, quelques mois plus tard, professeur au Collége de France.

Reste M. Dujardin, qui, pour arriver au but, l’interprétation des écritures hiéroglyphiques, a eu le courage de prendre la voie la plus longue, mais aussi la plus sûre, et, disons-le, la seule qui fût rationnelle ; sentant que dans la langue copte se trouvaient et les fondemens et la démonstration des découvertes de M. Champollion, il a dédaigné des fruits prématurés, mais aussi trompeurs que faciles à obtenir, pour acquérir, par une application sans partage, une connaissance de la langue égyptienne complète, autant qu’elle peut l’être dans l’état présent des choses. Nous n’hésitons point à le dire, M. Dujardin convient à la chaire de M. Champollion, et il est le seul qui lui convienne.

Nous espérons donc que l’enseignement commencé par M. Champollion sera repris et continué dans la chaire vacante ; cette continuation est deve-