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de l’hôtel de la Chaussée-d’Antin. Malgré la beauté de Mme de Parnes, son esprit, sa grâce et tous les plaisirs qu’il trouvait chez elle, il ne pouvait renoncer à la chambrette de la rue du Plat-d’Étain. Le petit jardin de Valentin voyait tour à tour la veuve et la marquise se promener au bras du jeune homme, et le murmure de la cascade couvrait de son bruit monotone des sermens toujours répétés, toujours trahis avec la même ardeur. Faut-il donc croire que l’inconstance ait ses plaisirs comme l’amour fidèle ? On entendait quelquefois rouler encore la voiture sans livrée qui emmenait incognito Mme de Parnes, quand Mme Delaunay paraissait voilée au bout de la rue, s’acheminant d’un pas craintif. Caché derrière sa jalousie, Valentin souriait de ces rencontres, et s’abandonnait sans remords aux dangereux attraits du changement.

C’est une chose presque infaillible que ceux qui se familiarisent avec un péril quelconque, finissent par l’aimer. Toujours exposé à voir sa double intrigue découverte par un hasard, obligé au rôle difficile d’un homme qui doit mentir sans cesse sans jamais se trahir, notre étourdi se sentit fier de cette position étrange ; après y avoir accoutumé son cœur, il y habitua sa vanité. Les craintes qui le troublaient d’abord, les scrupules qui l’arrêtaient, lui devinrent chers ; il donna deux bagues pareilles à ses deux amies ; il avait obtenu de Mme Delaunay qu’elle portât une légère chaîne d’or qu’il avait choisie au lieu de son collier de chrysocale. Il lui parut plaisant de faire mettre ce collier à la marquise ; il réussit à l’en affubler un jour qu’elle allait au bal, et c’est, à coup sûr, la plus grande preuve d’amour qu’elle lui ait donné.

Mme Delaunay, trompée par l’amour, ne pouvait croire à l’inconstance de Valentin. Il y avait de certains jours où la vérité lui apparaissait tout à coup claire et irrécusable. Elle éclatait alors en reproches, elle fondait en larmes, elle voulait mourir ; un mot de son amant l’abusait de nouveau, un serrement de main la consolait ; elle rentrait chez elle heureuse et tranquille. Mme de Parnes, trompée par l’orgueil, ne cherchait à rien découvrir et n’essayait de rien savoir. Elle se disait : « C’est quelque ancienne maîtresse qu’il n’a pas le courage de quitter. » Et elle ne daignait pas s’abaisser à demander un sacrifice. L’amour lui semblait un passe-temps, la jalousie un ridicule ; elle croyait d’ailleurs sa beauté un talisman auquel rien ne pouvait résister.

Si vous vous souvenez, madame, du caractère de notre héros, tel que j’ai tâché de vous le peindre à la première page de ce conte,