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où les enfans du Nord ne portaient à leur ceinture qu’un couteau de pierre et celle où ils commencent à creuser les mines de fer. Alors le fer était encore pour eux un métal d’une si grande valeur, qu’ils le ménageaient comme aujourd’hui on ménage l’or. Ils reconnaissaient bien la nécessité de l’employer dans la fabrication de leurs armes, mais le tranchant de la hache seul était en fer, le reste en bronze. Cependant, à partir de ce temps-là, une nouvelle ère s’ouvre dans l’histoire de la société Scandinave. La tribu peut se mettre en campagne, car le métal du soldat est sorti des entrailles de la terre ; et l’architecte peut dresser ses plans, car l’ouvrier a trouvé son instrument. Bientôt l’armure de fer brillera sur la poitrine du guerrier ; bientôt le temple des dieux s’élèvera aux regards de la foule avec ses murailles couvertes de lames dorées ; bientôt la saga célébrera Veland le magicien, Veland le forgeron.

Une autre partie curieuse de ce musée de Copenhague est celle qui renferme les débris des tombeaux. Les Scandinaves ensevelissaient avec leurs morts chevaux, armes, bijoux, tout ce que le guerrier avait aimé, tout ce que la jeune femme avait porté. La vie à venir était pour eux une image de celle-ci. Ils devaient combattre dans le Valhalla, et Odin avait dit qu’ils jouiraient là aussi des trésors enfouis dans leur tombe. Mais souvent on remplaçait les armures splendides, les bijoux massifs par des objets de moindre valeur, et quelquefois on les volait. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on trompe la mémoire des morts, et qu’on se rit, avec leur héritage, des sermens qu’on leur a faits, des larmes hypocrites qu’on leur a données.

La plupart des bijoux de cette époque sont en or, travaillés avec goût, ciselés avec art. Ce sont des bracelets, des anneaux, des colliers, qui presque tous ont la forme symbolique du serpent, et cette forme se retrouve dans les ciselures dont ils sont ornés. Les monnaies étaient en argent. On n’avait pas encore songé à les tailler comme les nôtres et à leur donner une empreinte. C’étaient tout simplement des lames d’argent massif que l’on coupait par petits morceaux, selon le besoin.

À cette riche collection des temps anciens on en a joint une autre qui renferme les monumens du moyen-âge. On y trouve des armures, des tapisseries, et plusieurs ouvrages de sculpture en bois fort remarquables.

Le directeur du musée Scandinave, M. Thomsen, a disposé ces objets d’antiquité avec un ordre admirable. Il est tout-à-fait dévoué à cette œuvre scientifique, et il l’agrandit chaque jour. Chaque jour les paysans danois fouillent dans leur Herculanum et y découvrent de nouveaux débris qu’ils portent chez le prêtre. Le prêtre les envoie à Copenhague. Il serait à souhaiter que notre gouvernement voulût faire des échanges avec ce musée. Ceux qui le dirigent y sont tout disposés, et, si l’échange peut avoir lieu, nous ajouterons par là une belle page historique à celles que nous avons déjà recueillies.


X. Marmier
Copenhague, 1er octobre 1837.