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RÉFORMISTES D’ÉCOSSE.

longé pour laisser à leurs amis Skirving et Margarot le temps de les rejoindre. Tous quatre furent conduits à Botany-Bay sur le même transport la Surprise. Gerald, séparé de ses amis, languit pendant près d’une année dans la prison de Newgate et ne les rejoignit que plus tard. Gerald n’avait qu’une seule compagne de captivité, sa jeune fille. Quand le 2 mai on vint l’arracher à sa prison pour le transférer à bord du Souverain, son départ fut si brusque, qu’il ne put faire ses adieux à son enfant restée orpheline.

Botany-Bay est de nos jours un lieu de délices, en comparaison de ce qu’il était il y a quarante années, dans l’enfance de la colonie. Les déportés étaient condamnés à des privations de toute espèce, et obligés pour vivre de travailler à la terre dans leurs fermes. Le capitaine Hunter, Écossais lui-même, était gouverneur de la colonie pénitentiaire. Il distingua aussitôt ces hommes de la foule des meurtriers et des voleurs qui formaient le reste de la population de l’Australie. Muir surtout, si beau, si jeune, si enthousiaste ; Muir si sévèrement traité par les juges d’Écosse, excitait son intérêt. « M. Muir est le premier des quatre que j’ai vus, écrivait le gouverneur à un de ses amis de Leith. Je le crois un bon et noble jeune homme. Il se plaît dans la solitude et le recueillement ; il ne se plaint pas de la sévérité de son sort, mais il en supporte la rigueur avec courage et résignation. » Hunter s’étudia à rendre la situation de ses prisonniers la plus supportable qu’il put. Muir, en effet, était résigné. Il écrivait vers la même époque à un de ses amis : « Je me plais dans ma situation autant qu’un homme peut se plaire quand il est séparé de tout ce qu’il a aimé et respecté. Palmer, Skirving et moi vivons dans la plus parfaite harmonie ; je ne peux trop louer les égards dont nous sommes l’objet. Une reconnaissance éternelle me liera aux officiers militaires et civils de la colonie. J’ai une petite maison ici, une autre à deux milles, et une ferme que j’ai achetée sur l’autre bord de la rivière. Si vous avez quelque argent à m’envoyer, convertissez-le en rhum, tabac et sucre, toutes denrées qui sont ici hors de prix[1]. »

Un an s’était déjà écoulé depuis que Muir habitait Sidney, quand il en fut tiré par un évènement inattendu et que lui-même n’avait pu prévoir. Le procès de Muir avait eu peut-être plus de retentissement encore en Amérique qu’en Angleterre. On y regardait les patriotes écossais comme des amis, des concitoyens, et leur condamnation avait excité une sympathie assez puissante et un intérêt assez vif pour

  1. Memoirs and Trials, etc., pag. 16.